Morphème opportuniste et lexicalisation d'inférences: la préfixation négative in



Yüklə 253,71 Kb.
Pdf görüntüsü
səhifə7/9
tarix29.04.2023
ölçüsü253,71 Kb.
#107636
1   2   3   4   5   6   7   8   9
Neophilologica

6. Négation et superlativisation
Mais revenons à des considérations sémantiques. Une des questions sur lesquelles je
voudrais m’arrêter maintenant est celle de comprendre ce qu’il advient de la négation dans les
dérivés listés sous (5)-(5’). Une autre façon de poser cette question pourrait être de se
demander quelle relation il y a entre les dérivés négatifs dont le sens est compositionnel, et
ceux dont le sens négatif est partiellement ou complètement érodé et qui actualisent une
valeur subjective voire superlative.
Je voudrais essayer de montrer deux choses : d’une part, qu’il y a un rapport de filiation
entre ces deux “acceptions” ; d’autre part, que cette filiation s’explique par des raisons
d’ordre pragmatique. Plus exactement je voudrais défendre l’idée que l’acception superlative
est une dérivation lexicale (au sens de Kury
ł
owicz 1936) de l’acception négative, et que cette
dérivation à son origine dans des emplois particuliers de cette dernière.
Prenons l’exemple de l’adjectif 
inoubliable
. Les sens qu’on lui attribue habituellement
montrent un clivage entre une interprétation purement compositionnelle (« qu’on ne peut pas
oublier ») et une interprétation superlative à forte connotation axiologique positive (« d’une
qualité telle qu’on s’en souviendra toujours », « extraordinaire », etc.). Or, on est conduit à
penser que cette valeur superlative a son origine dans des emplois de la variante négative que
les pragmaticiens qualifient parfois 
d’implicatifs
. Je m’explique.
Il me semble que cela fait partie des représentations communément partagées que
d’associer un fait ou un événement jugé extraordinaire ou hors normes, à la propriété de ne
8
Avec les exceptions notoires que sont 
immangeable

immanquable
et 
inlassable
.


pas pouvoir être oublié. Or cette association, comme tout stéréotype culturel ou social, permet
des courts-circuitages de l’expression. C’est-à-dire qu’elle rend possible de 
dire littéralement
« non-oubliable » pour 
vouloir dire en réalité
« extraordinaire », « hors normes », etc. Cette
indirectivité de l’expression met en œuvre un principe interprétatif qu’on pourrait paraphraser
ainsi :
(9)
L (= le locuteur) a dit de l’événement E qu’il était « non-oubliable ». Or, un
événement est non-oubliable (conséquence) très souvent parce qu’il a présenté des
caractéristiques extraordinaires, hors normes (cause). Donc, L a peut-être voulu
dire, en réalité, que E présentait des caractéristiques extraordinaires.
Il n’y a là rien de nouveau sous le soleil, ce type d’implicite étant bien connu depuis Grice et
les travaux des pragmaticiens post-gricéens – en particulier Levinson (1983), Horn (1984),
Berrendonner (1987), Traugott (1989, 1999)
9
– qui ont tenté de définir diverses “stratégies”,
“heuristiques” et autres “routines” rendant compte de ces phénomènes logico-pragmatiques.
Cependant, s’agissant de nos adjectifs, il y a plus. Ce rapport entre négation et superlativité
fait également penser à la figure de la litote
10
. L’hypothèse que je voudrais défendre est que
l’acception superlative d’un adjectif comme 
inoubliable
a son origine dans ce qu’on pourrait
appeler une 
litote lexicale
, et que cette figure relève fondamentalement de la pragmatique des
interactions langagières. Son interprétation comme sa mise en œuvre relèvent en effet
fondamentalement de l’implicite et mobilisent des inférences, des contre-inférences, des
prédictions voire des paris interprétatifs, ainsi que le suggère la paraphrase (9). Au total, on
peut donc faire l’hypothèse que la polysémie de nos adjectifs négatifs résulte d’une
sédimentation d’inférences lexicales
.

Yüklə 253,71 Kb.

Dostları ilə paylaş:
1   2   3   4   5   6   7   8   9




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©www.genderi.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

    Ana səhifə