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9 CONCLUSION GÉNÉRALE
Dans le cas de la paire de doublets
confiance
–
confidence
qui sont emprunts
savants au latin
confidentia
, nous ne constatons que l’effacement de la consonne
intervocalique [d]
dans le cas de la forme
confiance
dû à la formation savante par
analogie avec le participe présent
fiant
en ancien français. La graphie historique s’est
conservée complètement dans le cas de son doublet
confidence
. Même si nous
observons cet effacement, nous pouvons dire que les deux doublets ne se sont pas
éloignés de l’étymon latin du point de vue morpho-phonologique.
Par contre, dans le cas de la deuxième paire de doublets, à
proprement parler
respect – répit
dont le second a subi une évolution phonétique par voie populaire, nous
pouvons observer un écart remarquable par rapport à la forme de départ latine
respectus
. Mais, en ce qui concerne son doublet savant
respect
, il garde la graphie
étymologique qui ressemble à la forme latine
respectus
notamment au niveau du
morphème
radical
spect
.
Nous pouvons donc dire que les emprunts lexicaux au latin que nous avons
étudiés (
confiance, confidence, respect
) ne sont éloignés de la forme de départ latine par
rapport au lexème étant entré dans la langue française par voie populaire (
répit
). Le
dernier a modifié son signifiant à tel point qu’il ne coïncide avec la forme de son
étymon latin que par les consonnes [r] ; [p] et la voyelle [ę]. Cet éloignement est,
comme nous l’avons constaté supra, dû à l’évolution phonétique dans la branche
populaire de la langue alors que les savants ont emprunté les mots au latin en gardant la
graphie étymologique :
respectus > respect
;
confidentia > confidence
et même
confiance
fait d’après
fiant
d’origine populaire.
Quant à la recherche sur la sémantique que nous avons réalisée, nous pouvons
constater que le sens de départ de
confidentia
était présent
dans les deux doublets
confiance
et
confidence
à l’époque du moyen français parce qu’ils ne sont attestés que
dès le XIV
e
siècle. En même temps, les deux lexèmes étaient synonymes grâce au sens
issu du latin défini en tant que « confiance, assurance » présent dans les acceptions
Confiance1 et Confidence1.
Puis, dans l’étape du français classique, le sens emprunté au latin « confiance,
assurance » se maintenait dans le cas des deux formes et la synonymie entre deux
lexèmes existait toujours. De plus, une nouvelle relation synonymique s’est établie
grâce au sens des acceptions Confiance5 et Confidence5 apparues à cette époque. Les
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deux acceptions rendant
confiance
et
confidence
synonymes ont été présentes en
français jusqu’à l’étape que nous avons désignée par
pré-moderne
. Après, en français
moderne,
confiance
et
confidence
ne sont synonymes qu’au niveau des acceptions
Confiance1 et Confidence1 qui contiennent le sens de départ latin.
L’analyse de la 2
e
paire de doublets choisie nous a amené
aux constatations
suivantes. Dans le cas de l’ancien français, nous constatons la présence du sens initial
« considération, égard » issu du latin
respectus
dans les deux doublets au moyennant
des acceptions Respect1 et Répit2. Le rapport entre
respect
et son doublet populaire a
changé à l’étape du français classique où le sens Répit2 a disparu, ce qui a entraîné que
les deux doublets n’étaient plus synonymes en ce qui concerne le sens « considération,
égard » issu du latin
respectus
. Par contre, ils sont redevenus synonymes dans le
contexte marin grâce aux acceptions Respect10 et Répit9 qui ne sont attestées qu’en
français classique.
En même temps, l’acception Respect1 est devenue vieillie en français classique
et elle garde ce statut jusqu’à présent. Quant à
répit
, le sens initial du latin
respectus
est
hors d’usage dès le moyen français.
Ainsi, nous pouvons dire que le sens issu du latin
respectus
a subsisté en français
au moyen de l’une des acceptions de
respect
qui est un mot d’origine savant tandis qu’il
a disparu dans le cas de
répit
qui est d’origine populaire.
Nous concluons que le sens issu de l’étymon latin s’est maintenu dans trois mots
étudiés sur quatre. Ces trois mots sont des emprunts savants au latin, alors que le lexème
qui a perdu son sens de départ latin est d’origine populaire. À l’instar de cette analyse,
nous pouvons dire que les mots d’origine savante gardent le sens emprunté au
latin alors
que ce sens se perd dans le cas des mots d’origine populaire. De plus les doublets
d’origine savante peuvent maintenir la relation synonymique jusqu’en français
moderne. Par contre, les mots d’origine populaire s’éloignent de l’étymon latin par le
signifiant et aussi par le signifié. Bref, par analogie avec cet exemple, nous pouvons
formuler l’hypothèse que les mots d’origine populaire ont tendance à s’éloigner de leur
étymon latin
non seulement par la forme, mais aussi par le sens.