Relations des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine dans leIXe siècle de l'ère chrétienne



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L'éléphant. Page 7 du tome Ier, ligne 22.

« L'île de Ramny produit de nombreux éléphants.

Ceylan, la seule île où l'on trouve des éléphants, n'a jamais produit de camphre et n'avait probablement point d'habitants anthropophages à l'époque où elle était visitée par les Arabes. L'ensemble de ces renseignements ne peut donc s'appliquer à aucun point du globe. Quelques-uns, à la vérité, conviendraient à l'île de Sumatra, dans laquelle Marsden croyait reconnaître notre Ramny, et à peu près aussi bien à Java ou à Bornéo. Remarquons, cependant, qu'à diverses époques les voyageurs ont bien pu voir des éléphants à Java et à Sumatra. Toutes les fois qu'il y a eu dans ces îles des princes assez puissants pour vouloir s'entourer d'un cortège semblable à celui des souverains indiens, et assez riches pour payer des éléphants, ils ont pu très facilement s'en procurer ; les Hollandais, dans leurs premiers voyages aux Indes orientales, en ont vu chez un rajah de Java, et cette circonstance a fait tomber Buffon dans la même erreur que nous signalons chez Abou-Zeïd (Histoire naturelle, tome XI, page 38, note B).

Il y aurait encore un autre moyen d'expliquer l'erreur de l'auteur arabe ; ce serait de supposer qu'il a mal entendu ce que lui auront dit les indigènes, d'un autre pachyderme, d'assez grande taille, qui se trouve à Sumatra et aussi probablement à Java. Le tapir indien, ou maïba, dont la taille égale celle d'un petit bœuf, dont les formes sont très lourdes, dont le pied est divisé en gros doigts courts, munis chacun d'un petit sabot, et dont la tête, enfin, se prolonge en une trompe rétractile, a bien pu faire croire à l'existence d'un éléphant sauvage, dans les deux îles que je viens de nommer. C'est très probablement d'après les renseignements qui se rapportaient au maïba, que Nieuhoff a décrit son sucotyro, auquel il a, d'ailleurs, ajouté quelques traits appartenant au babiroussa.

Page 58, ligne 16. — « Les Chinois n'ont point d'éléphants et n'en laissent point entrer dans leur pays. »

Quand on voit les figures que les Chinois donnent de l'éléphant, on reconnaît aisément qu'elles n'ont pu être faites d'après nature. Cependant ils connaissent assez bien l'histoire de cet animal, qui habite des pays avec lesquels sont en relation habituelle. Les descriptions qu'ils en ont données dans leurs encyclopédies contiennent beaucoup de renseignements exacts et bien choisis sur les formes de l'animal, sur la manière de le prendre, de le dresser, etc. La seule erreur bien manifeste que j'aie rencontrée dans les passages nombreux dont je dois la connaissance à M. Stanislas Julien, est relative au mode d'accouplement de ces animaux. Suivant l'auteur chinois, les éléphants, pour se livrer à cet acte, entreraient dans l'eau et se présenteraient l'un à l'autre, face à face. La position singulière des organes sexuels chez le mâle et la femelle avait fait faire aux naturalistes d'Europe des conjectures différentes de celle-ci, mais qui ne s'écartaient pas moins de la vérité.

Le rhinocéros, page 28, ligne 21 et suiv.

« Le même pays nourrit le boschan marqué, autrement appelé kerkedden. Cet animal a une seule corne au milieu du front, et dans cette corne est une figure semblable à celle de l'homme ; la corne est noire d'un bout à l'autre, mais la figure placée au milieu est blanche... 

Il n'est pas douteux qu'il ne s'agisse dans tout ce passage du rhinocéros unicorne de l'Inde, que les Arabes avaient soin de distinguer du rhinocéros bicorne d'Afrique, qui leur était également connu. Quant aux noms que l'auteur donne ici à l'espèce du continent indien, boschan et kerkedden, je ferai remarquer que le dernier a été rapproché très justement par Bochart d'un nom employé pour cet animal, par Ælien, qui dit que c'est le nom du pays. En général, on a lu ce mot καρταζωνος Bochart l'écrit καρκαζωνος, et sous cette forme, certainement il ressemble beaucoup au mot kerkedden ou carcaddan. On peut aussi lui trouver quelque rapport, assez éloigné, il est vrai, avec le nom que porte en sanscrit le même animal, khadga ou khadgin, mots qui signifient de plus, le premier, poignard, le second, celui qui a un poignard. Ces deux noms, qui font évidemment allusion à la corne pointue dont l'animal est pourvu, nous reportent à l'époque où les métaux n'étaient point encore employés pour la fabrication des armes. Au reste, les progrès de l'industrie métallurgique n'empêchèrent pas que l'homme ne continuât longtemps encore à emprunter aux animaux les armes que la nature leur avait données pour leur défense. Cet usage même n'est pas encore complètement abandonné, et l'on peut voir dans Buffon, tome XII, pl. 36, la figure d'un double poignard indien fait avec les cornes de l'antilope cervicapra.

Un autre nom sanscrit du rhinocéros est gandaka, signifiant le pustuleux, le lépreux ; ce mot conviendrait très bien au rhinocéros de Java, qui a la peau toute couverte de petits tubercules, et l'on pencherait à croire qu'il date de l'époque où Java était comme le centre d'un grand royaume indien, du royaume du Zabedj.

M. E. Burnouf m'a fait remarquer que les deux noms khadgin et gandaka, quoique reçus dans la langue sanscrite, portent les signes d'une origine étrangère. Il est bien certain que le rhinocéros était inconnu dans les lieux où s'est parlé d'abord le sanscrit, et ne devait pas originairement avoir de nom dans cette langue ; mais la même remarque peut s'appliquer au second nom, dans sa double acception, puisque la lèpre et les affections semblables appartiennent presque exclusivement aux pays chauds.

Je ne sais pas à quelle langue appartient l'autre nom donné au rhinocéros, mais je crois qu'on peut découvrir à quelle idée se rattache l'épithète que notre auteur y accole. Le boschan est dit marqué, parce que ce sont les marques ou taches que présente sa corne coupée en tranches, qui en font le principal mérite. Dans l'espèce du Visapour, cette tache, au dire de notre auteur, offrirait en clair sur un fond obscur la figure d'un homme. Il faut, je crois, beaucoup de bonne volonté pour reconnaître dans ces taches irrégulières une silhouette humaine, et les Chinois eux-mêmes se contentent de les comparer à des fleurs et à des grains de millet. Leurs encyclopédies contiennent à ce sujet de nombreux détails. Je me contenterai de citer le passage suivant, dont je dois la traduction à la complaisance de M. Stanislas Julien.

« Lorsque les raies claires de la corne sont comme formées d'une série d'œufs de poissons, la corne est dite à yeux de millet, mi-yen. Lorsque, dans le noir, il y a des fleurs jaunes, cela s'appelle tching-sieou ; lorsqu'au milieu du jaune il y a des fleurs noires, cela s'appelle tao sieou (tching veut dire direct, et tao veut dire renversé ; cela paraît donc désigner le cas régulier et le cas anormal). Lorsqu'au milieu des fleurs il y a encore d'autres fleurs, cela s'appelle tchong-sieou, c'est-à-dire transparent double ; alors ce sont des cornes de première qualité. Lorsque les fleurs sont comme des graines de poivre ou de dolichos, la corne est de seconde qualité. La corne du rhinocéros-corbeau, qui est d'un noir pur et sans fleurs, est de troisième qualité.

Il paraît, au reste, que, malgré tout le prix que mettent les Chinois à ces raretés, ils n'y découvrent pas la moitié des choses qu'y avaient vu les Arabes. Voici en effet comment s'exprime à ce sujet Demiri, dans un passage dont j'emprunte à Bochart la traduction :

« Cum serra in longum dissecatur (cornu), variæ ex eo figura emergunt albi coloris in nigro, puta pavonum, caprearum, avium et arborum certæ speciei, hominum quoque et rerum aliarum picturæ admirabilis.

Le même Demiri nous fournit des renseignements sur l'usage que l'on faisait de ces plaques :

« Bracteas regum soliis et balteis exornandis, quæ carissime emuntur.

Ce passage en explique un autre qui n'était pas suffisamment clair dans notre auteur, et montre que les ceintures n'étaient pas, comme on aurait pu le croire d'après la manière dont il s'exprime, faites entièrement de cornes de rhinocéros, mais seulement décorées de ces plaques mouchetées. Je suppose que ces ceintures militaires étaient devenues à la mode parmi les guerriers arabes, à l'époque des croisades. Nos chevaliers, à leur retour des expéditions à la Terre Sainte, les rapportèrent en Europe où l'usage s'en conserva plus d'un siècle. Seulement, aux plaques de corne on fut obligé de substituer des plaques en ouvrage d'orfèvrerie.

Il est inutile de faire remarquer que, quoi qu'en dise notre auteur, le rhinocéros n'est point dépourvu d'articulations aux jambes, pas plus que l'éléphant et l'élan, dont on a fait jadis le même conte. C'est aussi aujourd'hui un fait connu de tout le monde, que l'animal ne rumine point ; mais, parmi les voyageurs musulmans, quelques-uns sans doute n'étaient pas très empressés de se défaire d'une erreur qui leur permettait de manger au besoin, sans pécher, de la chair de rhinocéros. Il faut dire pourtant que les musulmans, en général, craignent d'enfreindre la loi relativement aux viandes prohibées ; et ces scrupules ont été un obstacle au succès de leurs missions dans quelques parties de l'archipel indien. Ainsi, j'ai remarqué qu'aux Moluques ils n'ont pas fait de convertis dans les îles où l'on n'a d'autres animaux domestiques que les cochons, parce que les indigènes refusaient de s'abstenir du porc, ce qui eût été pour eux renoncer entièrement à l'usage de la viande ; au contraire, dans les îles où l'on avait des buffles, on a pu consentir à se priver de lard et on a fini par embrasser la nouvelle religion.

Ruminants. — Le chevrotain porte-musc. Page 117 du tome Ier, ligne 16.

« La chèvre qui produit le musc est comme nos chèvres pour la taille... pour les cornes, qui sont d'abord droites et ensuite recourbées ; elle a deux dents minces et blanches aux deux mandibules ; ces dents se dressent sur la face de la chèvre.

Dans ce passage, comme dans tous ceux que présentent, relativement à l'animal du musc, les ouvrages antérieurs au XVIIe siècle, on trouve, avec certains traits inexacts, qui prouvent que les descriptions n'ont pas été faites de visu, d'autres traits qui montrent qu'elles ne sont pas purement imaginaires. Quelques naturalistes se sont récriés sur l'inexactitude des voyageurs qui avaient pu, suivant eux, comparer le même animal, tantôt à une chèvre ou à une gazelle, tantôt à un chat ou à un renard ; les voyageurs, si dédaigneusement traités par beaucoup de savants de cabinet, doivent être, dans ce cas au moins, absous de l'accusation. Le commerce, en effet, nous fournit deux parfums d'origine animale, le musc et la civette, et quoique ces deux produits viennent de pays fort différents, on les a quelquefois confondus ; mais les voyageurs, lorsqu'il leur est arrivé d'employer un nom pour l'autre, n'ont point mêlé à l'histoire du ruminant asiatique, celle du carnassier africain, et l'on peut, dans toutes leurs descriptions, quelque négligées et quelque inexactes qu'elles soient, reconnaître, à des signes certains, l'animal dont ils ont voulu parler.

Telle est, en particulier, l'indication d'un caractère qui ne s'observe que chez un très petit nombre de ruminants, chez les chevrotains et chez quelques cerfs asiatiques à bois pédonculé : je veux parler de la longueur des canines. Abou-Zeyd, comme on l'a vu, dit que ces longues dents sont au nombre de quatre, et se dressent des deux côtés de la face ; Marc-Pol en indiquait le même nombre, mais il faisait descendre celles de la mâchoire supérieure. Avicenne avait été plus exact en assignant à l'animal deux dents recourbées en arrière ; mais, comme il les comparait à des cornes, il paraît bien qu'il les supposait dirigées en haut. Cazwini, enfin, en les assimilant aux défenses de l'éléphant, semblait dire qu'elles avaient la pointe dirigée en avant et en bas. La vérité est que ces canines, au nombre de deux, naissent de la mâchoire supérieure, se portent en bas en se recourbant légèrement en arrière, et dépassent les lèvres de trois à quatre travers de doigt.

Le porte-musc est, comme tous les chevrotains, dépourvu de cornes. Marc-Pol, sur ce point, a évité l'erreur dans laquelle est tombé Abou-Zeyd.

Tout ce que dit notre auteur de la formation du musc est à peu près la reproduction de ce qu'on trouve à ce sujet dans les écrivains chinois, qui ont d'ailleurs été plus précis dans ce qu'ils disent du sac où s'amasse la matière odorante.

« Le parfum du musc, disent-ils, est situé près de l'ouverture du prépuce ; mais il est contenu dans un sac particulier.

Notre auteur accuse les Chinois de falsifier tout le musc qui se récolte dans leur pays ; suivant lui, ces fraudes sont une des causes de l'infériorité du musc de Chine comparé à celui du Tibet ; mais il assigne encore à cette différence dans la qualité des produits une autre cause, la différence dans la végétation des deux pays.

« La chèvre qui produit le musc trouve sur les frontières du Tibet des plantes odorantes (littéralement des épis à parfum), tandis que les provinces qui dépendent de la Chine n'offrent que des plantes vulgaires.

J'insiste sur cette expression, des épis à parfum, parce qu'il me semble qu'elle fait allusion à un aromate anciennement très fameux, le spica-nardi, le nard des anciens, qui est très différent du nard des botanistes modernes, et qui se trouve en effet dans le Boutan et sur les frontières du Tibet : c'est une espèce de valériane dont la tige est à sa base entourée de fibres qui offrent l'apparence d'un épi.

Cette idée, que le porte-musc trouve, tout formés dans les substances dont il se nourrit, les principes odorants qui le font rechercher, paraît s'être présentée aussi à l'esprit des Chinois. Suivant eux,

« l'animal, dans les mois d'été, mange une grande quantité de serpents et d'insectes.

Quelle raison a-t-on eue pour supposer qu'il adoptait, pour un temps, un genre de nourriture si différent de celui des autres animaux dont il se rapproche par son organisation ? c'est parce qu'on avait remarqué le parfum qu'exhalent certains coléoptères, comme le cerambyx moschatus, et l'odeur musquée beaucoup plus forte, mais moins agréable, qu'exhalent les serpents, odeur qui est encore plus marquée dans d'autres reptiles, tels que les crocodiles. Pourquoi suppose-t-on que c'est seulement en été que l'animal recourt à cet étrange régime ? c'est que l'été est la saison pendant laquelle le musc se forme et s'accumule dans la poche abdominale qui se trouve pleine à l'entrée de l'hiver.

Cétacés. — Page 2, lignes 2 et suivantes.

« Ils y remarquèrent un poisson (sur le dos duquel s'élevait quelque chose de) semblable à une voile de navire. Quelquefois ce poisson levait la tête et offrait une masse énorme.

L'animal qui, « en soulevant sa tête, offre une masse énorme », est un cachalot, grand cétacé commun dans les mers tropicales, où les baleines au contraire ne se montrent que très rarement. Comme le cachalot cependant n'offre dans sa conformation rien qui puisse rappeler l'idée d'une voile de navire et qu'au contraire l'aileron triangulaire que portent sur le dos, soit les baleinoptères 1, soit certains grands dauphins (l'épaulard des Saintongeois, par exemple), représente assez bien, aux dimensions près, la voile latine, si commune sur les bâtiments employés dans les navigations dont il s'agit ici 2, j'avais pensé d'abord que l'auteur avait pu, dans ce passage, mêler des traits empruntés à l'histoire de deux animaux différents. Toutefois, en me rappelant que tous les cétacés velifères sont très peu connus des Arabes, j'ai dû renoncer à cette conjecture ; celle qui me paraît la plus probable aujourd'hui, c'est que la comparaison avec une voile de navire est du fait de quelque copiste, et que l'écrivain original, impressionné de la même manière que l'ont été tous les anciens voyageurs, à la vue de ces monstres marins, a dû les comparer à une montagne, à un rocher au milieu de la mer, ou à quelque chose de semblable 3.

Page 2, ligne 15.

« Les vaisseaux qui naviguent dans cette mer redoutent beaucoup ce poisson... »

Les précautions indiquées comme propres à écarter les cachalots, précautions auxquelles recouraient, dès l'époque d'Alexandre, les navigateurs qui fréquentaient ces mers (voir page 156, la note 5), étaient le résultat d'une crainte fort exagérée sans doute, mais qu'on aurait tort de croire complètement chimérique. En effet, dans la saison des amours, les cachalots, dont les allures sont habituellement très calmes, se livrent à des mouvements désordonnés ; on les voit soulever tout à coup et sortir à moitié hors de l'eau leur tête volumineuse, agiter violemment leurs nageoires et plonger en donnant de grands coups de queue. Une petite embarcation qui se trouverait alors à leur portée chavirerait infailliblement. Mais ces dommages involontaires ne sont pas les seuls qu'on puisse leur reprocher, et il leur est arrivé quelquefois, toujours dans cette époque de surexcitation, de se livrer à de véritables actes agressifs, lorsqu'ils craignaient pour leurs femelles, qu'ils tiennent alors rassemblées en troupeau, et sur lesquelles ils veillent avec une évidente anxiété. Des faits semblables à celui que je vais rapporter ont dû être observés dans les temps anciens, et auront fait aviser aux moyens d'éloigner un danger bien réel, sans doute, mais infiniment plus rare qu'on ne le supposait.

« Le 13 novembre 1820, un navire baleinier des États-Unis, l'Essex, se trouvant dans les mers du Sud par 47° de latitude, aperçut un groupe de baleines, vers lequel il se dirigea. Bientôt les canots furent mis à la mer et s'avancèrent vers la troupe de cétacés, le navire suivant la même direction, mais plus lentement. Tout à coup on vit la plus grosse baleine se détacher du troupeau, et, dédaignant les faibles embarcations, s'élancer droit vers le navire. Du premier choc elle fracassa une partie de la fausse quille, et elle s'efforça ensuite de saisir entre ses mâchoires quelques parties des œuvres vives ; ne pouvant réussir, elle s'éloigna de quatre cents mètres environ, et revint frapper de toutes ses forces la proue du bâtiment. Le navire, qui filait alors cinq nœuds, recula à l'instant avec une vitesse de quatre nœuds : il en résulta une vague très haute ; la mer entra dans le bâtiment par les fenêtres de l'arrière, en remplit la coque et le fit coucher sur le côté. Vainement les canots arrivèrent, il n'était plus temps de sauver l'Essex. Tout ce qu'on put faire en enfonçant le pont, fut d'extraire une petite quantité de pain... »

Quoique l'auteur de ce récit emploie le mot de baleine, il est évident, par tout ce qu'il dit, par la supériorité de taille qu'il donne à un des individus, par la mention qu'il fait de mâchoires armées de dents, que c'est à un cachalot qu'il faut attribuer la perte de l'Essex, c'est-à-dire à un de ces cétacés communs dans les mers de l'Inde, et contre lesquels avaient été imaginés les expédients mentionnés successivement par Néarque, Strabon et Philostrate.

Page 4, ligne 11.

« La mer jette sur les côtes de ces îles de gros morceaux d'ambre ; quelques-uns de ces morceaux ont la forme d'une plante ou à peu près. L'ambre pousse au fond de la mer comme les plantes ;

et plus loin, page 144, lignes 22 et suivantes :

« Quand le poisson, appelé tâl, aperçoit cet ambre, il l'avale ; mais cet ambre, une fois arrivé dans son estomac, le tue, et l'animal flotte au-dessus de l'eau. Il y a des gens qui...

Dans ces deux passages, les faits signalés sont en général vrais, et les conjectures seulement sont fausses, comme l'ont été d'ailleurs celles des savants européens, jusqu'à une époque très rapprochée de nous.

Il est vrai qu'on trouve dans les mers tropicales des masses d'ambre flottant à la surface de l'eau, et que ces masses sont quelquefois poussées par les flots sur le rivage. Il est encore vrai que l'on en trouve quelquefois dans les entrailles des cachalots, et que dans ce cas les individus sont malades ou morts ; mais ce qui n'est pas exact, c'est de dire qu'ils aient avalé cette substance et qu'elle soit la cause de leur maladie. Il est certain que l'ambre se forme dans leurs intestins, et il est probable qu'il s'y forme de la substance des calmars dont les cachalots se nourrissent, par suite de réactions analogues à celles qui transforment la chair des cadavres en terre et, sous l'influence de conditions encore mal déterminées, en adipocire. Il paraît que quelque affection du tube digestif, d'une part, empêche la digestion des aliments ingérés, et, de l'autre, s'oppose à leur sortie, de sorte que l'accumulation devient quelquefois énorme, et que notre auteur n'exagère peut-être pas en comparant au volume d'un taureau celui des masses d'ambre qu'on a trouvées quelque fois flottant à la surface de la mer ou encore contenues dans le cadavre des cachalots. Au reste, il paraît, d'après les témoignages récents de divers baleiniers, que, dans le cas où ces énormes masses se présentent, une partie seulement, la plus anciennement formée, a pris les caractères de l'ambre, et que le reste diffère peu des fèces à l'état normal ; c'est cette dernière partie, sans doute, que l'auteur désigne sous le nom de mand.

Swediaur est un des premiers écrivains qui ait parlé convenablement de l'origine de cette substance, et, si je ne me trompe, c'est lui qui a fait remarquer que les sèches dont on trouve dans l'ambre les becs cornés (pris longtemps pour des becs d'oiseaux), ont elles-mêmes une odeur ambrée. M. Lesson, à la vérité, veut faire honneur de cette découverte à Marc-Pol ; mais il ne m'est pas bien prouvé que le vieux voyageur eût à cet égard une opinion différente de celle des écrivains arabes ; il ne m'est pas prouvé non plus qu'il n'attribuât la production de ce parfum à la baleine commune plutôt qu'au cachalot, désigné dans l'ancien texte français sous le nom de cap d'oille et cap dol, correspondant au nom de capidoglio encore usité aujourd'hui en Italie ; au reste, je citerai le passage entier où l'auteur parle des habitants de la côte de Madagascar.

« Ils ont anbre asez, por ce qe en cel mer a balene en grant abondance ; et encore hi a cap d'oille, et por ce qe il prennent de ceste balene et de ceste cap dol asez, ont de l'anbre en grant quantité, et vos savès que la balene fait l'anbre. »

Page 145, ligne 19.

« Avec les vertèbres du dos du poisson nommé tâl, on fait quelquefois des sièges sur lesquels l'homme peut s'asseoir à son aise. On dit que, dans un bourg..., appelé Altayn, il y a des maisons d'une construction extrêmement anciennes ; la toiture de ces maisons, qui sont légères, est faite avec des côtes de ce poisson.

Toutes les personnes qui ont eu occasion de voir le squelette du cachalot exposé dans une des cours du Muséum d'histoire naturelle, concevront très bien qu'on ait pu employer, pour servir de tabourets, les vertèbres de ce grand cétacé. Quant à l'emploi des os longs dans la charpente, emploi déjà mentionné par des écrivains antérieurs, il y a lieu de supposer que les pièces que l'on désigne sous le nom de côtes, sont les mâchoires. Dans nos ports on fait encore aujourd'hui cette mauvaise application du nom ; cependant, tous les baleiniers savent bien de quelle partie de l'animal provient cet os qu'ils détachent quelquefois, pour recueillir l'huile qui en découle quand on l'a suspendu verticalement le long du mât.

Page 140, ligne 9.

« Les pêcheurs, quand ils prennent un de ces poissons, l'exposent au soleil et le coupent par morceaux ; à côté est une fosse où se ramasse la graisse...

Il est assez étrange qu'on ne trouve ici rien de relatif au blanc de baleine, qui est un des produits importants du cachalot. Cependant, comme on ne tirait parti que des cadavres rejetés à la côte, il est probable que la décomposition était d'ordinaire trop avancée pour qu'on pût recueillir isolément le sperma-ceti, qui se mêlait avec l'huile que la chaleur du soleil faisait couler.

POISSONS

Squales. Page 2, lig. 22.

« Cette mer renferme un autre poisson que nous pêchâmes. Sa longueur était de vingt coudées. Nous lui ouvrîmes le ventre et nous en tirâmes un poisson de la même espèce ; puis, ouvrant le ventre de celui-ci, nous y trouvâmes un troisième poisson du même genre. Tous ces poissons étaient en vie et se remuaient.

Il s'agit évidemment ici d'un poisson du genre des squales, genre dans lequel se trouvent beaucoup d'espèce vivipares, et en particulier celle que l'on désigne sous le nom de requin ; c'est probablement à l'une de ces espèces si connues et si détestées des navigateurs, que se rapporte le récit du voyageur arabe, récit que nous ne pouvons mieux faire apprécier qu'en le rapprochant de celui d'un naturaliste moderne dont le témoignage n'est pas suspect.

« Pendant que nous étions dans le golfe du Mexique, dit M. Audubon (Ornithol. biograph., tome III, page 521), nous prîmes, une après-midi, deux requins. L'un de ces poissons était une femelle de sept pieds de longueur ; nous l'ouvrîmes et nous trouvâmes dans son ventre deux petits vivants et qui paraissaient très capables de nager. Nous en jetâmes un aussitôt à l'eau, et, il n'y fut pas plus tôt, qu'il profita de sa liberté pour s'éloigner de nous, comme s'il avait déjà été accoutumé à pourvoir à sa propre sûreté.

Si Soleyman s'était contenté de dire qu'on avait trouvé dans le corps du petit requin quelque chose qui ressemblait à un troisième requin, il n'y aurait aucun reproche à lui faire, car un voyageur n'est pas obligé d'être anatomiste. Son tort est de donner à entendre qu'il a vu remuer ce prétendu avorton, au lieu d'avouer qu'il répète, à cet égard, ce qu'il a entendu dire à d'autres ou ce qu'il a lu dans quelque relation. Il aurait pu, en effet pour des exemples analogues, s'appuyer d'autorités imposantes et citer par exemple, Aristote, qui dit qu'en Perse, en ouvrant des souris qui étaient pleines, on trouva que les fœtus femelles étaient aussi en état de pregnation.



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