Relations des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine dans leIXe siècle de l'ère chrétienne



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d.175 Je ne puis terminer cette préface sans dire quelques mots sur une relation arabe qui a beaucoup d'analogie avec la présente relation, mais qui, par sa forme romanesque, et surtout par les libertés que se sont permises les copistes, présente plus d'une fois des contradictions difficiles à concilier. C'est le récit des voyages d'un personnage appelé Sindebad, qui est censé vivre au temps du khalife Haroun-Alraschid, et qui, poussé par une curiosité insatiable, visita successivement les mers du Zanguebar, de l'Inde et de la Malaisie. Cette relation fut tirée, par Galland, d'un manuscrit arabe, et insérée dans sa belle traduction des Mille et une Nuits ; plus tard, elle a été retrouvée dans des recueils manuscrits de ces contes charmants, et elle a été reproduite, soit en original 4, soit d.176 dans les différentes langues de l'Europe 5. Il est certain que le récit de Sindebad s'accorde pour le fond avec les récits du marchand Soleyman et d'Abou-Zeyd ; on y trouve aussi quelques détails qui se lisent dans le Ketab-al-adjayb. Évidemment le point de vue de ces trois écrits, au cadre romanesque près, est le même ; mais les manuscrits de la relation de Sindebad d.177 diffèrent beaucoup. Le texte qui a été publié par M. Langlès, et qui se retrouve dans l'édition des Mille et une nuits de Calcutta, renferme des données géographiques plus étendues que le texte imprimé à Breslau et au Caire. On peut induire de là que la première rédaction a été retouchée par un homme versé dans les notions scientifiques. Du reste, les variantes étaient inévitables dans des ouvrages d'un cadre laissé à l'arbitraire, et dont le texte n'était pas fixé d'une manière définitive par la voie de la presse.

À quelle époque remonte la rédaction des voyages de Sindebad ? On a vu quelle grande part les Persans prirent à la navigation orientale sous les rois arsacides et sassanides. L'auteur du Modjmel-al-tevarykh cite, parmi un certain nombre d'ouvrages rédigés au temps des princes arsacides, un livre intitulé Sindebad. Ce passage a été emprunté au traité de Hamza d'Ispahan, dont le texte vient d'être publié d.178 à Saint-Pétersbourg 1. Quelques savants ont induit de ce témoignage, que la relation de Sindebad est du temps des rois arsacides, au cadre près, qui a été arrangé plus tard par les Arabes 2. Mais Massoudi parle, dans son Moroudj-al-dzeheb 3, d'un ouvrage qui portait le même titre, et qui est le roman des sept sages, qu'on sait avoir été composé primitivement dans l'Inde. Il s'agit, dans ce livre, d'un roi de la Chine, de ses sept vizirs, de la reine, du fils du roi et de son précepteur 4. Il y a plus : dans le témoignage en question, d.179 de Hamza et de l'auteur du Modjmel-al-tevarykh, il est fait mention à la fois de livres grecs, persans et indiens. Il y a donc lieu de croire que le livre de Sindebad, cité par Hamza et l'auteur du Modjmel, n'a rien de commun avec les voyages de Sindebad.

Le livre indien de Sindebad fut traduit de bonne heure en langue arabe, et on l'a inséré dans quelques recueils des Mille et une Nuits 5. Les biographes et les bibliographes persans font mention, sous le titre de Sindibad-nameh, d'un livre de Sindebad qui, d'abord rédigé en prose, fut mis en vers. Il existe en persan plusieurs poèmes de Sindebad ; une de ces rédactions a été récemment publiée, en abrégé, en langue anglaise 6 ; mais ces poèmes ne sont, pour d.180 le fond, qu'une reproduction du traité indien, faite d'après une version arabe accommodée aux croyances musulmanes.

Ces considérations me font penser que le livre des voyages de Sindebad est d'une origine arabe, et que c'est un reflet des récits qui avaient cours chez les musulmans au moyen âge. Quoi qu'il en soit, ce livre, malgré son cadre peu sérieux, a attiré, dans ces derniers temps, l'attention des géographes. Richard Hole publia, en 1797, à Londres, une dissertation intitulée : Remarks on the Arabian nights' entertainments, in which the origin of Sindbad's voyages and other Oriental fictions is particularly considered. Un illustre géographe, M. Walckenaer, a composé sur le même sujet un mémoire dont il a paru un extrait, en 1832, dans les Nouvelles Annales des Voyages.



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CHAÎNE DES CHRONIQUES



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p.001 Ce livre renferme une chaîne de chroniques (1), de pays, de mers, des diverses espèces de poissons. L'on y trouve aussi un tableau de la sphère et des choses merveilleuses de ce monde, ainsi que de la situation approximative des villes et de la partie habitée de la terre, des animaux, de ce que la terre contient de singulier, et autres choses du même genre. C'est un livre précieux.

Voici la description de la mer qui est située entre l'Inde et le Sind, des pays de Gouz et de Mâgouz, de la montagne de Caf, du pays de Serendyb et de la victoire d'Abou-Hobaysch. Abou-Hobaysch est le nom d'un homme qui vécut deux cent cinquante ans. Une année, il se rendit p.002 dans le Mâgouz et y vit le sage Al-saouah, avec lequel il se porta vers la mer (2). Ils y remarquèrent un poisson (sur le dos duquel il s'élevait quelque chose de) semblable à une voile de navire. Quelquefois ce poisson levait la tête (3) et offrait une masse énorme. Quand il rendait de l'eau par la bouche, on voyait, pour ainsi dire, s'élever un haut minaret. Au moment où la mer était tranquille, lorsque les poissons se ramassaient sur un même point, il les enlevait avec sa queue ; ensuite il ouvrait la bouche, et on voyait les poissons se précipiter dans son ventre et disparaître comme au fond d'un puits. Les vaisseaux qui naviguent dans cette mer redoutent beaucoup ce poisson. La nuit, les équipages font sonner des cloches semblables aux cloches des chrétiens (4) ; c'est afin d'empêcher ce poisson de s'appuyer sur le navire et de le submerger (5).

Cette mer renferme un autre poisson que nous pêchâmes ; Sa longueur était de vingt coudées. Nous lui ouvrîmes le p.003 ventre, et nous en tirâmes un poisson de la même espèce ; puis, ouvrant le ventre à celui-ci, nous y trouvâmes un troisième poisson du même genre. Tous ces poissons étaient en vie et se remuaient ; ils se ressemblaient pour la figure les uns aux autres.

Ce grand poisson se nomme al-ouâl. Malgré sa grandeur, il a pour ennemi un poisson qui n'a qu'une coudée de long et qui se nomme al-leschek. Lorsque le gros poisson, se mettant en colère, attaque les autres poissons au sein la mer, et qu'il les maltraite, le petit poisson le met à la raison : il s'attache à la racine de son oreille et ne le quitte pas qu'il ne soit mort. Le petit poisson s'attache aux navires, et alors le gros poisson n'ose pas en approcher, à cause de la crainte que l'autre lui inspire.

On trouve dans la même mer un poisson dont la face ressemble à la face humaine, et qui vole au-dessus de l'eau. Ce poisson se nomme al-meydj. Un autre p.004 poisson, qui se tient sous l'eau, l'observe, et, si le premier tombe, l'autre l'avale. Celui-ci s'appelle al-anketous. En général, les poissons se mangent les uns les autres (6).

La troisième mer porte le nom de mer de Herkend (7). Entre cette mer et la mer Al-larevy il y a un grand nombre d'îles ; leur nombre s'élève, dit-on, à mille neuf cents (8). Ces îles forment la séparation des deux mers Al-larevy et Herkend ; elles sont gouvernées par une femme. La mer jette sur les côtes de ces îles de gros morceaux d'ambre ; quelques-uns de ces morceaux ont la forme d'une plante (9) ou à peu près. L'ambre pousse au fond de la mer, comme les plantes ; quand la mer est très agitée, elle rejette l'ambre sous forme de citrouilles et de truffes (10).

Ces îles, qui sont gouvernées par une femme, sont plantées de palmiers cocotiers. La distance qui sépare les îles l'une de l'autre est de deux, ou trois, ou quatre parasanges. Elles sont toutes habitées, et toutes portent des cocotiers. La monnaie p.005 y consiste en cauris ; la reine amasse ces cauris dans ses magasins. On dit qu'il n'existe pas de peuple plus adroit que les habitants de ces îles. Ils fabriquent des tuniques tissues d'une seule pièce, avec leurs manches, leurs parements et leur bordure. Ils construisent leurs navires et leurs maisons, et se chargent de tous les travaux du même genre. Les cauris se rendent à la surface de la mer, et renferment une chose douée de vie. On prend un rameau de cocotier et on le jette dans l'eau ; les cauris s'attachent au rameau. On appelle le cauri al-kabtadj (11).

La dernière de ces îles est Serendyb, sur la mer de Herkend ; c'est la principale de toutes : on donne à ces îles le nom de Dybadjat (12). Auprès de Serendyb est la pêcherie des perles. Serendyb est environnée tout entière par la mer (13). On remarque dans l'île une montagne, appelée Al-rohcun, sur laquelle fut jeté Adam, sur lui soit la paix (14) ! La trace de son pied est marquée sur le roc qui couronne la p.006 montagne, gravée dans la pierre, au sommet de la montagne. On n'y remarque qu'un seul pied ; il est dit qu'Adam plaça son autre pied dans la mer. On ajoute que le pied dont la trace est empreinte au haut de la montagne est d'environ soixante et dix coudées de long. Autour de cette montagne est la mine de rubis rouges et jaunes et d'hyacinthes. L'île est soumise à deux rois. Elle est grande et large, et elle produit de l'aloès, de l'or et des pierres précieuses. On trouve dans ses parages la perle, et le schenek, mot par lequel on désigne cette grande coquille qui sert de trompette, et qui est très recherchée.

La même mer renferme, dans la même direction que Serendyb, quelques îles qui ne sont pas nombreuses, mais qui sont très vastes, et dont on ne connaît pas l'étendue précise. Au nombre de ces îles est celle qu'on nomme Al-ramny (15) ; cette île est partagée entre plusieurs rois ; son étendue est, dit-on, de huit ou neuf cents parasanges (16). Il s'y trouve des mines d'or ; p.007 on y remarque aussi des plantations appelées fansour et d'où l'on tire le camphre de première qualité (17).

Ces îles ont dans leur dépendance d'autres îles, parmi lesquelles est celle de Al-neyan (18). Ces îles abondent en or, et les habitants se nourrissent du fruit du cocotier. Ils s'en servent dans la préparation de leurs mets, et ils se frottent le corps avec son huile. Quand l'un d'eux veut se marier, il ne trouve de femme qu'autant qu'il a entre les mains le crâne de la tête d'un de leurs ennemis ; s'il a tué deux d'entre les ennemis, il peut épouser deux femmes ; s'il en a tué cinquante, il peut épouser cinquante femmes, suivant le nombre des crânes. L'origine de cet usage vient de ce que les habitants de cette île sont entourés d'ennemis ; celui donc qui se montre le plus hardi dans les combats est le plus estimé de tous.

L'île de Ramny produit de nombreux éléphants, ainsi que le bois de Brésil (baccam) et le bambou (khayzoran). On y p.008 remarque une peuplade qui mange les hommes. Cette île est mouillée par deux mers, la mer de Herkend et celle de Schelaheth (19).

Après cela viennent les îles nommées Lendjebâlous (20). Ces îles nourrissent un peuple nombreux. Les hommes et les femmes vont nus ; seulement, les femmes couvrent leurs parties naturelles avec des feuilles d'arbre. Quand un navire passe dans le voisinage, les hommes s'approchent dans des barques, petites ou grandes, et se font donner du fer en échange d'ambre et de cocos. Ils n'ont pas besoin d'étoffes, vu que, dans ce climat, on n'éprouve ni froid ni chaud.

Au delà sont deux îles, séparées par une mer nommée Andâmân (21). Les habitants de ces îles mangent les hommes vivants ; leur teint est noir, leurs cheveux sont crépus, leur visage et leurs yeux ont quelque chose d'effrayant. Ils ont les pieds longs ; le pied de l'un d'entre eux est d'environ une coudée (22). Ils vont nus et p.009 n'ont pas de barques. S'ils avaient des barques, ils mangeraient tous les hommes qui passent dans le voisinage. Quelquefois, les navires sont retenus en mer, et ne peuvent continuer leur voyage à cause du vent. Quand leur provision d'eau est épuisée, l'équipage s'approche des habitants et demande de l'eau ; quelquefois les hommes de l'équipage tombent au pouvoir des habitants, et la plupart d'entre eux sont mis à mort.

Au delà de cette île se trouvent des montagnes qui ne sont pas sur la route, et qui renferment, dit-on, des mines d'argent. Ces montagnes ne sont pas habitées, et il n'est pas au pouvoir de tout navire qui veut y aborder, d'atteindre son but. Pour y arriver, l'on est guidé par un pic nommé Al-khoschnâmy. Un navire, passant dans le voisinage, l'équipage aperçut la montagne et se dirigea de son côté ; le lendemain matin, il descendit dans une barque, et, coupant du bois, il alluma du feu ; aussitôt l'argent entra en fusion : p.010 voilà comment on reconnut la mine. On emporta autant d'argent qu'on voulut ; mais, dès qu'on fut remonté dans le navire, la mer commença à s'agiter ; on fut obligé de jeter tout l'argent qu'on avait pris. En vain on a voulu retourner vers la montagne ; il a été impossible de la retrouver. Ces sortes de cas sont fréquents sur la mer ; on ne saurait dénombrer les îles qui sont d'un accès difficile et que les marins ont de la peine à reconnaître ; il y en a même où ils ne peuvent atteindre.

Quelquefois on aperçoit à la surface de cette mer un nuage blanc qui couvre les vaisseaux de son ombre ; il sort du nuage une langue longue et mince qui vient s'attacher à la surface de l'eau de la mer. Aussitôt l'eau entre en ébullition et présente l'image d'un tournant. Si le tournant atteint un navire, il l'absorbe. Ensuite, le nuage s'élève dans les airs, et il verse une pluie à laquelle se trouvent mêlées les impuretés de la mer. J'ignore p.011 si ce nuage s'alimente avec les eaux de la mer et comment cela s'opère (23).

Chacune de ces mers est exposée à un vent qui l'agite et la soulève au point de la faire bouillir comme une marmite. Alors l'eau rejette les corps qu'elle contient dans son sein sur les côtes des îles qui y sont enfermées ; les navires sont fracassés, et le rivage se couvre de poissons morts d'une grandeur énorme. L'eau jette même quelquefois des blocs de pierre et des montagnes, comme l'arc envoie la flèche. Pour la mer de Herkend, elle est exposée à un vent particulier. Ce vent vient de l'ouest, en tirant vers les étoiles de l'Ourse (24) ; quand il souffle, l'eau de la mer entre en ébullition comme l'eau d'une marmite, et elle vomit une grande quantité d'ambre. Plus la mer est vaste et profonde, plus l'ambre est beau. Quand les vagues de la mer de Herkend se soulèvent, l'eau présente l'apparence d'un feu qui brûle. La même mer nourrit un poisson nommé al-lokham (25). C'est p.012 une espèce de monstre qui dévore les hommes (26).

Les marchandises (venant de la Chine) sont en petite quantité (et chères, à Bassora et à Bagdad). Une des causes de cette petite quantité, ce sont les incendies qui ont lieu fréquemment à Khanfou (27). Cette ville sert d'échelle aux navires ; c'est l'entrepôt des marchandises des Arabes et des habitants de la Chine. Les incendies y dévorent les marchandises ; ils viennent de ce que les maisons y sont bâties en bois et avec des roseaux fendus (28). Une autre cause de la rareté des marchandises, ce sont les naufrages des navires, soit en revenant, soit en allant ; ajoutez à cela que les navires sont exposés à être pillés, ou bien sont forcés de faire un long séjour dans certains endroits, ce qui oblige les voyageurs à se défaire de leurs marchandises hors des provinces arabes. D'autres fois, le vent pousse les navires dans le Yémen ou dans d'autres contrées, et c'est là qu'on vend les marchandises. Enfin on p.013 est quelquefois obligé de s'arrêter pour faire radouber le navire, sans compter d'autres obstacles.

Le marchand Soleyman rapporte qu'à Khanfou, qui est le rendez-vous des marchands, un musulman est chargé par le souverain du pays de juger les différends qui s'élèvent entre les hommes de la même religion arrivés dans la contrée. Telle a été la volonté du roi de la Chine. Les jours de fête, cet homme célèbre la prière avec les musulmans ; il prononce le khotba et adresse des vœux au ciel pour le sultan des musulmans (29). Les marchands de l'Irac ne s'élèvent jamais contre ses décisions ; en effet, il agit d'après la vérité, et ses décisions sont conformes au livre de Dieu (l'Alcoran) et aux préceptes de l'islamisme.

À l'égard des lieux où les navires abordent, et qui servent d'échelle, on rapporte que la plupart des vaisseaux chinois partent de Syraf (sur les côtes du Farès). Les marchandises sont apportées de Bassora, p.014 de l'Oman et d'autres contrées à Syraf même ; on les charge à Syraf sur les vaisseaux chinois. Cet usage vient de ce que les vagues sont très fortes dans cette mer (le golfe Persique) et que l'eau manque en plusieurs endroits. La distance, par eau, entre Bassora et Syraf, est de cent vingt parasanges. Quand les marchandises sont embarquées à Syraf, on s'approvisionne d'eau douce et on enlève ; c'est le mot employé par les mariniers pour dire mettre à la voile. On se rend à Mascate, à l'extrémité de l'Oman. La distance de Syraf à Mascate est d'environ deux cents parasanges.

Dans la partie orientale de cette mer, entre Syraf et Mascate, se trouve, entre autres villes, Syf (le port) des Benou-Al-safac, ainsi que l'île du fils de Kaouan. La même mer mouille les montagnes de l'Oman. De ce côté est le lieu nommé Al-dordour ; c'est un lieu resserré entre deux montagnes, que traversent les petits navires, mais où ne peuvent s'engager les p.015 navires chinois. Là sont les deux rochers appelés Kossayr et Ouayr ; une petite partie seulement des rochers se montre au-dessus de l'eau (30).

Quand nous eûmes dépassé ces montagnes, nous nous rendîmes au lieu nommé Sahar d'Oman ; ensuite nous nous approvisionnâmes d'eau douce à Mascate, à un puits qui se trouve là (31). On peut se procurer en cet endroit des moutons de l'Oman. De ce lieu, les navires mettent à la voile pour l'Inde, et se dirigent vers Koulam-Malay (32) ; la distance entre Mascate et Koulam-Malay est d'un mois de marche, avec un vent modéré. À Koulam-Malay il y a un péage (33), qui sert pour la contrée, et où les navires chinois acquittent les droits ; on y trouve de l'eau douce fournie par des puits. Chaque navire chinois paye mille dirhems ; pour les autres navires (qui sont moins lourds), ils payent depuis un dinar jusqu'à dix (34).

Entre Mascate, Koulam-Malay et (la mer de) Herkend, il y a environ un mois p.016 de marche. On s'approvisionne d'eau douce à Koulam-Malay ; puis on met à la voile pour la mer de Herkend. Quand on a dépassé cette mer, on arrive au lieu nommé Lendjebâlous (35). Les habitants de ce lieu ne comprennent pas la langue arabe, ni aucune des langues parlées par les marchands. Les hommes ne portent pas de vêtement ; ils sont blancs et ont le poil rare. Les voyageurs disent n'avoir jamais vu leurs femmes. En effet, les hommes se rendent auprès des navires, dans des canots faits avec un seul tronc d'arbre, et ils apportent des cocos, des cannes à sucre, des bananes et du vin de cocotier (vin de palmier) ; cette liqueur est d'une couleur blanche. Si on la boit au moment où elle vient d'être extraite du cocotier, elle est douce comme le miel ; mais, si on la conserve une heure, elle devient comme le vin ; et, si elle reste dans cet état pendant quelques jours, elle se convertit en vinaigre. Les habitants échangent cela contre du fer. Quelquefois il leur vient un p.017 peu d'ambre, qu'ils cèdent aussi pour quelques objets en fer. Du reste, les échanges se font uniquement par signes, de la main à la main, vu qu'on ne s'entend pas. Ces hommes sont très habiles à la nage ; quelquefois ils dérobent le fer des marchands sans leur rien donner en échange.

De là, les navires mettent à la voile pour un lieu nommé Kalâh-Bâr. Le mot bâr (36) sert à désigner à la fois un royaume et une côte. Kalah-Bâr est une dépendance du Zâbedj (Al-zâbedj) ; la situation du Zâbedj est à droite des provinces de l'Inde, et la région entière obéit à un seul roi (37). L'habillement des habitants consiste dans le pagne : grands et petits, tous portent un seul pagne (38). Les navires trouvent dans le Kalah-Bâr de l'eau douce provenant de puits. On préfère l'eau des puits à l'eau de source et à l'eau pluviale. La distance entre Koulam, qui est situé dans le voisinage de la mer de Herkend et Kalah-Bâr, est un mois de route (39).

p.018 Ensuite les navires se rendent dans un lieu nommé Betoumah (40), où il y a de l'eau douce pour les personnes qui en veulent. Le temps nécessaire pour y arriver est dix journées.

Après cela, les navires se dirigent vers le lieu nommé Kedrendj, et y arrivent en dix journées. On y trouve aussi de l'eau douce. Il en est de même des îles de l'Inde ; en y creusant des puits, on trouve l'eau douce. À Kedrendj est une montagne élevée où quelquefois s'enfuient les esclaves et les voleurs.

Les navires se rendent ensuite au lieu nommé Senef, situé à une distance de dix journées ; il s'y trouve aussi de l'eau douce ; on exporte de ce lieu l'aloès appelé al-senfy. Ce lieu forme un royaume. Les habitants sont bruns, et chacun d'eux se revêt de deux pagnes (41).

Quand les navires se sont pourvus d'eau douce, ils mettent à la voile pour un lieu nommé Sender-Foulat. Sender-Foulat est le nom d'une île ; on met dix journées p.019 pour y arriver et il s'y trouve de l'eau douce.

De là, les navires entrent dans une mer appelée Sandjy, puis ils franchissent les portes de la Chine. Ces portes consistent dans des montagnes baignées par la mer ; entre ces montagnes est une ouverture par laquelle passent les navires.

Quand, par un effet de la faveur divine, les navires sont sortis sains et saufs de Sender-Foulat, ils mettent à la voile pour la Chine et y arrivent au bout d'un mois. Sur ce mois, sept journées sont employées à traverser les détroits formés par les montagnes. Lorsqu'ils ont franchi ces portes, et qu'ils sont arrivés dans le golfe, ils entrent dans l'eau douce, et se rendent dans la ville de Chine où l'on a coutume d'aborder : cette ville se nomme Khanfou. Khanfou et les autres villes de Chine sont pourvues d'eau douce, provenant de rivières et de ruisseaux. Chaque contrée a aussi ses péages et ses marchés. Sur la côte, il y a le flux et reflux deux fois chaque jour p.020 et chaque nuit. (Dans le golfe Persique) depuis Bassora jusqu'à l'île des Benou-Kaouan, le flux a lieu quand la lune se trouve au milieu du ciel, et le reflux au moment où la lune s'élève sur l'horizon et lorsqu'elle se couche. En Chine, et jusqu'auprès de l'île des Benou-Kaouan, le flux a lieu au moment où la lune se lève. Quand la lune occupe le milieu du ciel, la mer se retire, et elle revient quand la lune se couche. La mer se retire de nouveau lorsque la lune se trouve du côté opposé, au milieu du ciel.

On raconte que, dans une île appelée Malhan, entre Serendyb et Kalah (42), dans la mer de l'Inde, du côté de l'orient, il y a une peuplade noire et qui est nue. Quand il lui tombe entre les mains un homme d'un autre pays, elle le suspend la tête en bas, le coupe en morceaux, et le mange presque cru. Le nombre de ces noirs est considérable ; ils habitent une même île, et n'ont pas de roi. Leur nourriture est le poisson, la banane, le coco, p.021 la canne à sucre. Ils demeurent dans des espèces de bois et au milieu des roseaux.


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