Relations des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine dans leIXe siècle de l'ère chrétienne



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RELATION

DES VOYAGES

faits par les Arabes et les Persans

dans l'Inde et

À LA CHINE

dans le IXe siècle

traduction de

Joseph-Toussaint REINAUD




à partir de :

RELATION DES VOYAGES

faits par les Arabes et les Persans

DANS L'INDE ET À LA CHINE

dans le IXe siècle de l'ère chrétienne

Texte arabe imprimé en 1811 par les soins de feu Langlès,

accompagné d'une traduction française et d'éclaircissements

par Joseph-Toussaint REINAUD (1795-1867)

Imprimerie royale, Paris, 1845. Tome I, CLXXX+pages 1-91, 105-120 (observations sur la Chine). Tome II, notes sur la Chine (Le texte arabe n'est pas repris).

On pourra lire sur gallica l'analyse critique de cet ouvrage, par C. Defrémery (Nouvelles annales des voyages, 1846, pages 303-330).

Édition en format texte par

Pierre Palpant

www.chineancienne.fr

janvier 2014


TABLE DES MATIÈRES

Discours préliminaire

*

Chaîne des Chroniques



Observations sur les pays de l'Inde et de la Chine et sur leurs souverains

Livre deuxième : Des observations sur la Chine et l'Inde

*

Notes de la traduction



Remarques du docteur Roulin

*

Carte



[Rédigée par M.-A. d'Avezac, et jointe au Mémoire géographique, historique et scientifique sur l'Inde, antérieurement au milieu du onzième siècle de l'ere chrétienne, d'après les écrivains arabes, persans et chinois, de J.-T. Reinaud. Mémoires de l'Institut national de France (Académie des inscriptions et belles-lettres), t. XXVIII, 1849.]

À MONSIEUR

LE COMTE DE SALVANDY

Ministre de l'Instruction Publique

Vice-président de la Chambre des députes Membre de l'Académie française etc.

HOMMAGE RESPECTUEUX DU TRADUCTEUR


DISCOURS PRÉLIMINAIRE

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d.001 En 1718, un savant distingué par une instruction fort étendue, notamment dans les langues et les littératures de l'Orient, l'abbé Renaudot, publia un volume intitulé : Anciennes relations des Indes et de la Chine, de deux voyageurs mahométans qui y allèrent dans le IXe siècle de notre ère. Ces relations étaient traduites de la langue arabe, et Renaudot les avait accompagnées de remarques, dont plusieurs étaient fort intéressantes.

Le récit des voyageurs arabes jetait un jour tout nouveau sur les rapports commerciaux qui existèrent au IXe siècle entre les côtes de l'Égypte, de l'Arabie et des pays riverains du golfe Persique d'une part, et, de l'autre, les vastes provinces de l'Inde et de la Chine. Ce récit était d'autant plus curieux, qu'au moment même où l'on finissait de le mettre par écrit, les relations qui en forment l'objet d.002 s'étaient interrompues, et qu'elles ne reprirent que plusieurs siècles après, lorsque les Mongols, par la conquête successive de la Perse, de la Chine et de la Mésopotamie, eurent de nouveau mis en rapport immédiat les deux extrémités de l'Asie, et que l'Occident lui-même se trouva en communication avec l'Orient le plus reculé.

La partie du récit qui traite de la Chine n'était pas toujours d'accord avec ce que les savants missionnaires catholiques avaient écrit sur un pays si différent des autres. À la vérité, il y avait quelques erreurs provenant de Renaudot. Il n'eût pas été surprenant, d'ailleurs, que des marchands, qui ne parlaient pas la langue du pays et qui n'y étaient venus que pour des affaires commerciales, se fussent trompés sur quelques points. On accusa l'abbé Renaudot d'inexactitude et de légèreté ; quelques-uns allèrent plus loin : comme Renaudot n'avait donné aucune indication précise du manuscrit d'où il avait tiré ce récit, se contentant de dire que le volume d.003 se trouvait dans la bibliothèque de M. le comte de Seignelay, on prétendit que l'abbé Renaudot avait lui-même forgé la relation, à l'aide de témoignages recueillis çà et là dans des ouvrages arabes.

La bibliothèque du comte de Seignelay, qui n'était autre que la bibliothèque fondée à grands frais par son aïeul, l'illustre Colbert, passa, il y a un peu plus d'un siècle, dans la grande Bibliothèque royale. En 1764, le célèbre Deguignes, que ses études sur la Chine et le reste de l'Asie avaient mis en état d'apprécier l'importance de la relation publiée par Renaudot, retrouva le manuscrit original dans l'ancien fonds arabe du département des manuscrits de la Bibliothèque royale, n° 597. Ce manuscrit formait, dans l'origine, le n° 6004 de la bibliothèque Colbert, et il était entré dans cette riche collection l'an 1673, ainsi que le constate une note de la main du bibliothécaire, le célèbre Étienne Baluze. Conformément à ce que Renaudot avait indiqué dans sa préface, on lit, à la d.004 suite de la relation, une série de remarques, écrites de la même main, sur l'étendue et les remparts de Damas, et de quelques autres villes de Syrie et de Mésopotamie, à l'époque où ces places étaient soumises à Nour-eddin, prince de Damas et d'Alep, vers l'an 1170 de notre ère, durant les guerres des croisades. Deguignes rendit compte de sa découverte dans le Journal des savants du mois de novembre 1764, et fit quelques remarques sur le travail de Renaudot. Plus tard, il revint sur le même sujet, dans le premier volume du recueil des Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du Roi 1.

Les remarques de Deguignes renferment quelques observations importantes ; mais il en est plusieurs qui manquent de fondement et qui montrent que Deguignes avait lu fort rapidement le manuscrit, ou qu'il ne l'avait que médiocrement compris. La traduction de Renaudot et plusieurs de ses notes annoncent également quelque d.005 précipitation. Il était donc devenu nécessaire, avec les progrès que la critique orientale a faits dans ces derniers temps, de soumettre la relation elle-même à un nouvel examen.

Le point par lequel il fallait commencer était la publication du texte arabe. Le manuscrit de la Bibliothèque royale est unique ; il manque un certain nombre de feuillets à la relation ; la copie, quoique en général d'une écriture nette, offre de l'incertitude dans plusieurs endroits : on y trouve, d'ailleurs, des expressions qui peuvent fournir matière à difficultés. En 1811, feu M. Langlès fit imprimer l'édition qu'on voit ici, et inséra à la suite le morceau qui, dans le manuscrit, est placé immédiatement après, à savoir le tableau d'une partie des forteresses de la Syrie et de la Mésopotamie, au XIIe siècle de notre ère. Mais, bien que M. Langlès ne soit mort qu'en 1824, il ne s'occupa pas de revoir l'édition, ni de l'accompagner d'une préface ou d'un avis quelconque, et l'édition d.006 est restée jusqu'à présent dans les magasins de l'Imprimerie royale 2.

Il est à croire que si M. Langlès laissa son travail inachevé, c'est qu'il n'en était pas entièrement satisfait. Cependant, l'on devait savoir gré à M. Langlès de la pensée qui l'avait dirigé, et il convenait de faire tourner son entreprise au profit du public savant. L'illustre Silvestre de Sacy, il y a une douzaine d'années, à une époque où il était inspecteur des types orientaux de l'Imprimerie royale, me proposa, au nom du Directeur, de revoir le texte imprimé sur le manuscrit, et de l'accompagner des remarques qui me paraîtraient nécessaires. La proposition de M. de Sacy me flatta ; mais, après avoir lu le texte d.007 arabe, je n'osai pas me charger de la tâche qui m'était offerte. Je reconnus qu'il y avait une révision utile à faire ; en même temps je fus effrayé des difficultés qui se présentaient.

Depuis cette époque, je me suis beaucoup occupé de la géographie orientale. Une foule de questions, qui autrefois me paraissaient insolubles, se sont successivement éclaircies pour moi. Je me suis alors proposé moi-même à M. Lebrun, directeur de l'Imprimerie royale, pour la tâche à laquelle je m'étais jadis refusé ; et M. Lebrun, dont tout le monde connaît le zèle éclairé, a bien voulu agréer ma proposition.

J'ai commencé par revoir avec soin le texte imprimé, et l'on trouvera, à la suite des notes de la traduction, les remarques auxquelles l'examen du manuscrit a donné lieu. Ensuite, je me suis occupé de contrôler et de compléter ce qui semblait inexact dans le manuscrit ou ce qui y manquait, à l'aide d'autres ouvrages où il est traité de d.008 matières analogues. Dès l'année 1764, Deguignes annonça que Massoudi, célèbre écrivain arabe de la première moitié du Xe siècle de notre ère, avait, dans son ouvrage intitulé Moroudj-al-dzeheb, ou Prairies d'or, reproduit, quelquefois dans les mêmes termes, une partie de ce qui est dit dans cette relation. Je me suis empressé de lire ou plutôt de relire toute la première partie du traité de Massoudi, en relevant successivement les morceaux qui touchaient de près ou de loin au sujet en question. Ce travail de comparaison m'a mis en état d'éclaircir et de compléter plusieurs passages qui, sans cela, auraient été incompréhensibles. Il existe un autre ouvrage de Massoudi où j'avais remarqué plusieurs faits qui se trouvent aussi dans la présente relation. Cet ouvrage est intitulé, dans la plupart des manuscrits, Ketab-al-adjayb, ou Livre des merveilles 1. On y remarque une d.009 suite de récits sur les différentes parties dont se compose l'univers et sur la manière d.010 dont, suivant les idées romanesques des musulmans, elles ont été successivement formées ; vient ensuite un tableau des mers orientales, ainsi que des côtes qu'elles baignent et des îles qui y sont contenues. Cette partie, comme le reste du volume, est surchargée de fables, et montre que l'auteur, conformément au titre dont il avait fait choix, avait pris à tâche de recueillir ce qui était le plus propre à frapper les imaginations. Si ce traité est réellement l'ouvrage de Massoudi, le manque d.011 de critique et le désordre qui se remarquent dans le cours de la narration me font croire qu'il a été rédigé dans la jeunesse de l'auteur. Quoi qu'il en soit, au milieu de récits absurdes, on rencontre des détails vrais et curieux. Pour donner au public une idée exacte des rapports qui existent entre la présente relation et les deux ouvrages de Massoudi, j'ai placé à la suite du texte de la relation deux morceaux extraits, le premier du Ketab-al-adjayb, le deuxième du Moroudj-al-dzeheb. L'un et l'autre ont été tirés des manuscrits de la Bibliothèque royale, et revus sur plusieurs exemplaires 1.

Je n'ai pas jugé utile d'accompagner ces deux morceaux d'une traduction ; car on en trouvera l'équivalent dans la relation même, ainsi que dans les notes et le discours préliminaire. Mais ils auront l'avantage de remplir à peu près les deux d.012 lacunes qui interrompent la présente relation. Les premiers feuillets du manuscrit sont perdus. Il est vrai que l'ancien propriétaire du volume, croyant lui rendre par là toute sa valeur, a mis en tête un nouveau commencement. Cette interpolation occupe, dans le texte imprimé, la page 2 et les quatre premières lignes de la page 3 ; mais cette addition est tout à fait étrangère au récit original. Il en est de même du titre placé en tête. Ce titre, qui est Salsalat-al tevarykh, ou Chaîne des chroniques, n'a aucun rapport avec le contenu de l'ouvrage, et on ne le trouve pas indiqué dans les traités de bibliographie arabe. Le véritable titre me paraît avoir été Akhbar-al-Syn oual-Hind, c'est-à-dire : Observations sur la Chine et l'Inde. Tel est du moins le titre que porte le commencement de la deuxième partie, commencement qui appartient sans aucun doute au corps de l'ouvrage. Malheureusement je n'ai pas non plus trouvé de mention de ce titre dans les livres arabes de bibliographie.

d.013 Une seconde lacune se fait remarquer à la page 13, ligne 6 de la présente édition. Elle correspond au commencement de la page 10 du manuscrit, et il manque en cet endroit un ou plusieurs feuillets.

Comme la traduction de l'abbé Renaudot ne me paraissait pas suffisamment exacte, j'en donne ici une nouvelle. Ma traduction est accompagnée de notes, pour lesquelles j'ai quelquefois mis à contribution les remarques de Renaudot et de Deguignes. J'ai eu soin d'indiquer ces emprunts ; quant aux points nombreux pour lesquels je me suis éloigné de la manière de voir de ces deux illustres savants, je n'ai pas à en parler ; c'est au public à s'en rendre compte. Ici je me bornerai à quelques observations générales et à ce qui tient à l'ensemble même de la relation.

Le titre que Renaudot a placé en tête de sa traduction n'est point exact. Renaudot a parlé de deux voyageurs ; il n'y a eu qu'un voyageur, ou bien il faut compter comme voyageurs tous les marchands ou d.014 curieux d'entre les Arabes qui, au IXe siècle de notre ère, allaient commercer dans l'Inde et à la Chine, et dont les récits contribuèrent plus ou moins à la composition du présent traité.

Le récit qui sert de base à la relation, et qui porte dans le texte le titre de Livre premier, a pour garant un marchand nommé Soleyman, qui s'était embarqué sur les côtes du golfe Persique, et qui fit plusieurs voyages dans l'Inde et à la Chine. La rédaction du livre premier eut lieu l'an 237 de l'hégire (851 de J.-C.) C'est l'époque où les rapports commerciaux de l'empire des Khalifes de Bagdad avec l'Inde et la Chine étaient dans leur plus grande activité. Soleyman s'exprime ainsi dans plusieurs endroits de sa narration : « Nous pêchâmes 1, j'ai vu 2 » ; dans le chapitre de l'Inde, il parle d'un djogui qu'il avait vu s'exposant tout nu aux rayons d'un soleil ardent, et qu'il retrouva quatorze ans après d.015 dans la même situation 3 ; mais on aurait tort de conclure de là que Soleyman lui-même est l'auteur de la relation ; on lit dans les remarques qui accompagnent la première partie, que la rédaction a été faite d'après ses récits 4. Cette partie se termine à la page 59. Tout ce qui suit, jusqu'à la fin, appartient à un amateur de connaissances géographiques, lequel se nommait Abou-Zeyd-Hassan, et était originaire de la ville de Syraf, port de mer alors très fréquenté, dans le Farsistan, sur les bords du golfe Persique.

Abou-Zeyd n'était jamais allé dans l'Inde et à la Chine, comme l'ont cru Renaudot et Deguignes. Tout ce qu'il dit, il le tient de personnes qui le lui avaient rapporté. Il s'explique de la manière la plus nette à ce sujet, dès les premières lignes de son récit, et il déclare que son seul objet a été de modifier et de compléter le récit du marchand Soleyman, d'après ce qu'il d.016 avait recueilli dans ses lectures, et d'après ce qu'il tenait de la bouche des personnes qui avaient parcouru les mers orientales 1.

Abou-Zeyd, poursuivant le cours de ses observations, dit que, postérieurement à l'époque où le marchand Soleyman racontait ses aventures, l'état de tranquillité où se trouvait la Chine avait changé, ce qui avait ralenti les voyages de Chine, et les avait même interrompus. Là-dessus il raconte une révolte qui était survenue en Chine l'an 264 de l'hégire (878 de J.-C.), la fuite de l'empereur de sa capitale, etc.

L'ensemble du récit montre clairement qu'Abou-Zeyd vivait au moment où les événements de Chine avaient changé la face de l'Asie orientale. Mais voici un témoignage qui achève de nous fixer. Massoudi rapporte, dans le Moroudj-al-dzeheb 2, d.017 que, se trouvant à Bassora l'an 303 de l'hégire (916 de J.-C.), il eut occasion de voir dans cette ville un homme appelé Abou-Zeyd-Mohammed, fils de Yezyd et cousin du gouverneur de Syraf. Abou-Zeyd, que Massoudi représente comme une personne intelligente et instruite, avait quitté Syraf sa patrie, pour venir s'établir à Bassora, ville qui, bien qu'en ce moment déchue de son ancienne prospérité, était le rendez-vous des navigateurs. L'auteur de la deuxième partie de la relation se nomme Hassan, et Massoudi parle ici d'un homme appelé Mohammed ; mais tout porte à croire qu'il ne s'agit que d'une seule et même personne. Massoudi raconte en cet endroit le voyage fait, quarante ans auparavant, dans l'Inde et à la Chine, par un Arabe établi à Bassora, lequel se nommait Ibn-Vahab. Cet Arabe, non content d'aborder sur les côtes de Chine, comme le faisaient ses d.018 compatriotes, avait voulu visiter la capitale de l'empire, à deux mois de distance de la mer, et s'était fait présenter à l'empereur. Massoudi commence par dire qu'Ibn-Vahab raconta ce qu'il avait vu à Abou-Zeyd de Syraf, lequel le lui communiqua à son tour. Or ce même récit se trouve dans la présente relation, et Abou-Zeyd dit, entre autres choses : « Nous questionnâmes Ibn-Vahab, etc. 1 »

Il résulte évidemment de là qu'Abou-Zeyd a fourni à Massoudi un certain nombre de faits qui se trouvent dans le Moroudj-al-dzeheb. Massoudi a également fait des emprunts au premier livre, rédigé d'après les récits du marchand Soleyman ; car on retrouve dans le Moroudj 2 ce qui est dit ici d'un usage pratiqué dans l'île de Serendyb, lorsque le roi venait à mourir 3 ; seulement Massoudi parle en témoin oculaire. En effet, Massoudi, qui d.019 s'appliquait des vers arabes dont le sens est : « Je me suis tellement éloigné vers le Couchant, que j'ai perdu jusqu'au souvenir du Levant, et mes courses se sont portées si loin vers le Levant, que j'ai oublié jusqu'au nom du Couchant », avait parcouru dans tous les sens les mers de l'Arabie, de la Perse et de l'Inde. On comprend, en même temps, que Massoudi, bien qu'Abou-Zeyd n'ait jamais fait mention de son nom, a communiqué à son tour au second plus d'une observation importante. Abou-Zeyd parle d'un trait de courage féroce d'un Indien qui, avant de se jeter dans un feu ardent, se perça le cœur avec son khandjar 4. Il cite pour garant le témoignage d'un voyageur ; et ce voyageur est Massoudi, qui parle de ce qu'il avait vu de ses propres yeux, et qui accompagne le récit de quelques nouvelles circonstances 5.

Après un examen attentif du d.020 Moroudj-al-dzeheb et de la présente relation, je me crois en droit de conclure qu'Abou-Zeyd et Massoudi étaient contemporains, qu'ils se sont vus et qu'ils se sont fait réciproquement des communications. Abou-Zeyd a pris copie des notes que lui fournissait Massoudi et les a en général reproduites dans les mêmes termes, ayant soin seulement de parler à la troisième personne, là où Massoudi figurait comme témoin oculaire. À son tour, Massoudi a profité des observations qu'avait recueillies Abou-Zeyd. Cette explication rend compte, ce me semble, d'une part, de ce qu'il y a de commun dans les deux ouvrages, et, de l'autre, de quelques variantes dans le récit, variantes qui sont indépendantes de la différence du plan qui avait présidé à la rédaction des deux traités. On trouve d'ailleurs dans le Moroudj, notamment dans la partie qui touche à l'histoire orientale, des faits qu'on chercherait vainement dans la présente relation : d'un autre côté, cette relation contient d.021 plusieurs remarques qui n'auraient pas été déplacées dans le Moroudj.

Une des considérations qui me font croire que la relation ne peut pas être de Massoudi lui-même, c'est la manière dont les faits y sont présentés. Massoudi, qui s'était donné beaucoup de peine pour recueillir des renseignements, et qui tenait à ce que le public lui en sût gré, ne s'est pas borné, en divers endroits de son Moroudj, à s'élever contre les écrivains peu délicats qui cherchent à s'approprier les matériaux rassemblés par autrui. Dans son Moroudj, comme dans ses autres écrits, à mesure qu'il a rapporté un passage emprunté à un auteur, chose qui lui arrive souvent, il ne manque jamais de reprendre en ces termes : « Massoudi rapporte, etc. 1 »

d.022 Le récit d'Abou-Zeyd et la relation entière se terminent par ces mots, qu'a omis Renaudot :

« Voilà ce que j'ai entendu raconter de plus intéressant dans ce temps-ci, au milieu des nombreux récits d.023 auxquels donnent lieu les voyages maritimes. Je me suis abstenu de rien reproduire des narrations mensongères que font les marins, et auxquelles les narrateurs eux-mêmes n'ajoutent pas foi. Un récit fidèle, bien que court, est préférable à tout. C'est Dieu qui dirige dans la droite voie.

d.024 La manière dont Abou-Zeyd s'est exprimé en commençant, et la manière dont il termine le livre, me paraissent donner une idée exacte de l'origine de cette relation et du plan qui a présidé à sa rédaction. Il n'y a véritablement qu'une relation, c'est celle qui a été écrite d'après les récits du marchand Soleyman, et qui était antérieure de plus de soixante ans à Massoudi et à Abou-Zeyd. La deuxième partie, qui est l'ouvrage de celui-ci, n'est qu'une suite de remarques tendant à modifier, à expliquer ou à confirmer le récit du marchand. Voilà d'où est venu le manque d'ordre et de proportion qui se fait sentir dans l'ensemble de la rédaction 1.

d.025 On trouve à la fin du traité ces mots écrits de la main du copiste :

« Collationné avec le manuscrit sur lequel cette copie a été faite, au mois de safar de l'année 596 (novembre 1199 de J.-C.).

Ces mots prouvent que le manuscrit a été copié vers la fin du XIIe siècle de notre ère. Renaudot attribuait au volume un peu plus d'ancienneté, il s'exprime ainsi dans sa préface :

« Son antiquité se connaît d.026 assez par le caractère ; mais il y a une marque certaine qu'il a été écrit avant l'an de l'hégire 569, qui répond à celui de J.-C. 1173 ; car on trouve à la fin quelques observations de la même main, touchant l'étendue de Damas et d'autres villes de Syrie, dont Nour-eddin était le maître, et l'écrivain parle du prince comme étant encore vivant. Or ce prince mourut l'année qui vient d'être marquée.

Il est certain que dans le manuscrit on lit ces mots :

« Mesure de quelques-unes des villes soumises au prince juste Nour-eddin-Aboul-Cassem-Mahmoud, fils de Zengui, l'année 564 (1169 de J.-C.).

Mais le nom de Nour-eddin est accompagné des mots :

« De qui Dieu ait pitié, et dont il illumine la tombe 2 ;

et ces mots prouvent qu'au moment où les observations furent mises d.027 par écrit, Nour-eddin était mort. Il est facile, du reste, de lever cette légère contradiction, en disant que l'état des forteresses, tel qu'il est présenté dans le manuscrit, fut dressé du vivant même de Nour-eddin et par ses ordres, mais que la présente copie ne fut faite qu'environ trente ans après sa mort 3.

Voilà ce que j'avais à dire sur la manière dont cette relation a pris naissance, et sur les circonstances qui ont accompagné sa publication en Europe. Mais cette préface serait incomplète, si on n'y indiquait les connaissances géographiques des Arabes à l'époque où la relation fut d.028 rédigée, du moins en ce qui concerne les mers orientales, et si on ne décrivait les itinéraires suivis par les navigateurs arabes, indiens et chinois. Ces deux importantes faces du sujet sont restées presque entièrement cachées à Renaudot et à Deguignes, et ce n'est que de nos jours qu'il est devenu possible de les éclaircir.


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