La tragédie et la comédie à rome. Brève présentation et choix de textes



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Texte 4 :

PLAUTE, scène d’exposition du Curculio, le Charançon. Vers 1-95. Traduction Clouard, Garnier.


Le jeune Phédrome, amoureux d’une innocente victime d’un proxénète, s’explique avec son esclave Palinure.
[PALINURE, PHÉDROME, un flambeau à la main ; suite d'esclaves portant un vase rempli de vin, une coupe, etc.]
PALINURE. — A cette heure de la nuit, en cet équipage et avec ce cortège, ne puis-je savoir où tu vas, dis, Phédrome ?

PHÉDROME. — Où m'appellent Vénus et Cupidon. Où m'invite l'Amour. En pleine nuit ou à la tombée du soir, s'il y a rendez-vous convenu avec partie adverse, il faut se rendre, bon gré mal gré, où l'ordonnance appelle.

PALINURE. — Mais enfin...

PHÉDROME. — Enfin... tu m'ennuies.

PALINURE. — Ah, ce n'est pas joli, il n'y a pas de quoi te vanter. Alors, c'est toi qui es toi-même ton petit laquais, ton porte-flambeau !

PHÉDROME. — Et pourquoi ne porterais-je pas moi-même ce travail des abeilles, ce doux extrait des fleurs à mes délices douces comme le miel ?

PALINURE. — Où vas-tu donc ?

PHÉDROME. — Si tu le demandes, je te l'apprendrai.

PALINURE. — Si je veux te le demander, que répondras-tu ?

PHÉDROME. — Voici le temple d'Esculape.

PALINURE. — Il y a plus d'un an que je le sais.

PHÉDROME (montrant la maison de Cappadox1). —. Et tout près, cette porte la plus close du monde... Salut, porte la plus close du monde ! es-tu bien portée ?

PALINURE (se tournant aussi vers la porte, et contrefaisant Phédrome). —. Tu n'as pas eu la fièvre hier, ou il y a trois jours ? Et hier, as-tu bien soupé ?

PHÉDROME. — Tu te moques de moi ?

PALINURE. — Et pourquoi aussi es-tu assez fou pour demander à une porte des nouvelles de sa santé ?

PHÉDROME. — Par Hercule ! c'est que je l'ai vue si aimable et si discrète ! Elle ne souffle jamais mot : muette quand on l'ouvre, et quand ma belle sort la nuit secrètement pour me voir, muette encore.

PALINURE. — Est-ce que tu fais ou veux faire quelque bêtise indigne de toi ou de ta famille, Phédrome ? Vas-tu entreprendre une attaque contre une femme honnête, ou qui devrait l'être ?
PHÉDROME. — Point du tout : que Jupiter là-haut m'en préserve !

PALINURE. — Je fais le même voeu. Gouverne toujours tes amourettes, si tu as du goût, de manière que si l'objet aimé vient à être connu dans le monde, tu n'en aies pas déshonneur. Ne t'expose point à être marqué pour toujours d'infamie.

PHÉDROME. — Que veux-tu dire par là ?

PALINURE. — Que tu ne t'engages pas dans un chemin caillouteux. Si tu aimes, tâche d'avoir toujours tes témoins2.

PHÉDROME. — En vérité, c'est un entremetteur qui habite là.

PALINURE. — De ce côté-là, on ne t'empêche ni ne te défend d'acheter la marchandise en vente avec ton argent, si tu en as. La voie publique n'est interdite à personne. Pourvu que tu ne te pratiques point de passage dans le clos d'autrui, que tu t'abstiennes de femme mariée, de veuve, de jeune fille, de jeune garçon et d'enfants de bonne maison, aime tout ce qui te plaira.

PHÉDROME. — Cette maison est celle d'un entremetteur.

PALINURE. — Qu'elle soit maudite !

PHÉDROME. — Pourquoi ?

PALINURE. — Parce qu'elle est au service d'un scélérat.

PHÉDROME (ironiquement). — Interromps-moi, allons.

PALINURE. — Très volontiers.

PHÉDROME. — Te tairas-tu ?

PALINURE. — Tu m'ordonnais de t'interrompre.

PHÉDROME. — Mais je te le défends maintenant. Pour achever mon récit, il a une jeune esclave.

PALINURE. — L'entremetteur qui demeure ici ?

PHÉDROME. — Tu as parfaitement saisi.

PALINURE. — Ainsi je ne craindrai pas de laisser échapper.1

PHÉDROME. — Que tu es insupportable ! Il a dessein d'en faire une courtisane. Elle m'aime ; et moi, je ne veux pas me prêter à cet amour.

PALINURE. — Pourquoi cela ?

PHÉDROME. — Parce que je la veux en toute propriété. Je l'aime comme j'en suis aimé.

PALINURE. — Amour clandestin, mauvais amour : c'est une ruine !

PHÉDROME. — C'est bien comme tu le dis, par Hercule !

PALINURE. — A-t-elle déjà subi le joug ?

PHÉDROME. — Je ne l'ai pas plus touchée que si elle était ma sœur, si ce n'est quelques baisers qui l'ont laissée chaste.

PALINURE. — Fais-y attention toutefois ; la flamme suit de près la fumée. Si la fumée ne brûle pas, la flamme brûle. Qui veut la noix bonne à manger, commence par casser la coquille. Qui vise le lit d'amour, se fraie la voie par les baisers.

PHÉDROME. — Mais elle est encore pure, et ne couche pas.

PALINURE. — Je le croirais, si un entremetteur avait quelque vergogne.

PHÉDROME. — Elle, si tu savais ! dès qu'elle trouve l'occasion de s'esquiver pour me voir, elle me donne un baiser vite, et s'enfuit. Cela nous est possible parce que l'entremetteur malade couche ici dans le temple d'Esculape2. Cet homme me torture.

PALINURE. — Comment ?

PHÉDROME. — Il me demande pour elle tantôt trente mines, tantôt un grand talent3 : et je ne puis rien obtenir de lui qui soit juste et raisonnable.

PALINURE. — C'est toi qui as tort de lui demander ce qui ne fut jamais du ressort des entremetteurs.

PHÉDROME. — J'ai envoyé mon parasite en Carie4, emprunter de l'argent à un de mes amis. S'il ne m'en rapporte pas, je ne sais plus de quel côté me tourner.

PALINURE. — Si tu salues les dieux, c'est à droite, je pense5.

PHÉDROME. — Tu vois à leur porte cet autel de Vénus. J'en ai fait voeu, Vénus aura un déjeuner de moi.

PALINURE. — Comment ! tu t'offres à Vénus pour qu'elle fasse de toi son déjeuner ?

PHÉDROME. — De moi, de toi, d'eux tous (montrant les esclaves).

PALINURE. — Tu veux donc la faire vomir ?

PHÉDROME (à l'esclave qui porte le vin). —. Esclave, donne-moi ce broc.

PALINURE. — Que vas-tu faire ?

PHÉDROME. — Tu vas le savoir. Il y a une vieille qui couche ici comme gardienne de cette porte ; on appelle cette hétaïre « Mirobolante biberonneuse ».

PALINURE. — Comme qui dirait une bouteille où l'on met le vin de Chio6.

PHÉDROME. — Bref, elle n'a pas sa pareille comme ivrognesse. A peine ai-je aspergé de vin cette porte, l'odeur l'avertit que je suis là; elle ouvre à l'instant.

PALINURE. — Et ce broc est pour elle ?

PHÉDROME. — Si tu veux bien le permettre.

PALINURE. — Non, par Hercule ! Je voudrais que celui qui le lui porte se cassât le nez par terre : je le croyais pour nous.

PHÉDROME. — Tais-toi. Si elle en laisse, nous en aurons assez.

PALINURE. — Tu as donc là un fleuve que la mer ne contiendrait pas ?

PHÉDROME. — Suis-moi, Palinure, allons à cette porte ; obéis.

PALINURE. — Soit.

PHÉDROME (versant du vin sur le seuil). — Bois, bois, porte chérie ; enivre-toi, et sois-nous bienveillante et favorable1.

PALINURE (à la porte, contrefaisant Phédrome). — Veux-tu des olives, des câpres, un bon ragoût ?

PHÉDROME (continuant son offrande). — Éveille ta gardienne, qu'elle vienne à moi.

PALINURE (à Phédrome). — Comme tu répands le vin ! Quelle rage te possède ?

PHÉDROME. — Laisse... Vois-tu comme elle s'ouvre, cette porte chérie entre toutes ? Les gonds ne murmurent pas ; qu'ils sont aimables !

PALINURE. — Donne-leur un baiser.

PHÉDROME. — Silence ! Cachons la lumière, et taisons-nous.

PALINURE . —Voilà.


comédie

Texte 5 : TÉRENCE, scène d’exposition de l’Hécyre. Vers 9-57. Traduction Clouard, Garnier.


Térence faisait partie du cercle des Scipions, hommes politiques qui se flattaient de diffuser la culture grecque. Ses pièces, plus raffinées que celles de Plaute, ne semblent pas avoir plu au même public. On le voit dans ce prologue, intéressant par ses allusions à la création et la représentation des comédies.
C'est comme avocat que je me présente à vous sous ce costume de Prologue1. Faites-moi gagner ma cause, et permettez-moi d'user dans ma vieillesse du même privilège qu'au temps de ma jeunesse, où je fis vieillir sur la scène des pièces proscrites à leur naissance, empêchant l'oeuvre écrite de disparaître avec son auteur. Parmi les pièces de Caecilius2 que je montais pour la première fois, les unes tombèrent, les autres eurent grand-peine à se maintenir. Mais je savais qu'au théâtre la fortune est changeante, et l'incertitude de l'espérance ne m'a point fait reculer devant la certitude du labeur. Je remontai donc les mêmes pièces avec le plus grand soin, afin d'en obtenir d'autres du même auteur, qui, sans cela, se fût découragé d'écrire. Je réussis à les faire entendre ; une fois connues, elles furent goûtées. Je pus ainsi rendre sa place à un poète que la malice de ses ennemis avait presque rebuté de l'étude, du travail et de l'art dramatique. Si j'avais alors dédaigné ses ouvrages, si j'avais voulu m'appliquer à le décourager et l'engager à ne plus rien faire au lieu de produire, je l'aurais facilement détourné d'écrire d'autres pièces. Maintenant, faites-moi l'honneur d'écouter avec bienveillance ce que j'ai à vous demander.

Je vous présente à nouveau l'Hécyre, qu'il ne m'a jamais été possible de faire écouter en silence, tellement la mauvaise fortune s'est acharnée sur elle. Cette mauvaise fortune sera conjurée, si votre bon goût vient en aide à nos efforts. A la première représentation, à peine avais-je commencé qu'une grande parade d'athlètes, et par-dessus le marché l'attente d'un funambule, puis la cohue des clients qui accompagnaient leurs patrons, le tapage et les cris des femmes m'obligèrent à sortir avant la fin. Je recourus pour cette pièce nouvelle à mon vieux procédé : je tentai encore un essai et la représentai derechef. Le premier acte réussit; mais tout à coup le bruit se répand qu'on va donner des gladiateurs. On y vole en foule, on se bouscule, on crie, on se bat pour avoir une place ; pendant ce temps-là, moi, je suis forcé d'abandonner la mienne. Aujourd'hui plus de tumulte, repos et silence. On m'a donné tout loisir de représenter la pièce : vous avez tout pouvoir de relever l'éclat des jeux scéniques. Ne souffrez pas que, par votre faute, l'art théâtral soit réservé à quelques-uns, et faites que votre autorité seconde et soutienne la mienne. Si mon art n'a jamais été pour moi l'objet d'une avide spéculation, si j'ai toujours regardé comme le profit le plus enviable l'honneur de contribuer de toutes mes forces à vos plaisirs, accordez-moi cette grâce : ce poète qui a mis son talent sous ma protection et s'en remet lui-même à votre équité, ne permettez pas qu'une cabale injuste le livre à d'injustes railleries. A cause de moi, prenez sa cause en main, et faites silence, afin que d'autres aient envie d'écrire et que moi, je trouve avantage à monter de nouvelles pièces achetées de ma bourse.


B) sources latines de Molière

Bibliographie : Claude Bourqui, Les sources de Molière : Répertoire critique des sources littéraires et dramatiques, Paris, SEDES, 1999.


Textes de Molière en ligne : http://www.toutmoliere.net/

Textes 1 : le prologue et trois extraits de l’Amphitryon de Plaute repris par Molière. Traduction Clouard, Garnier.

Prologue


Monologue de Sosie

Dialogue Mercure – Sosie

Dénouement : tirade de Jupiter.

Texte 2 : Plaute, Aulularia : le monologue de l’avare. Traduction Naudet, 1833.

Textes 3 : Phormion de Térence (Molière, Les Fourberies de Scapin). Traduction Clouard, Garnier

Exposition

La colère de Démiphon

L’argent de Chrémès

Les révélations de la nourrice


Extraits 1 : Amphitryon


  1. Le prologue est confié à Mercure (il devient chez Molière un dialogue de Mercure avec la Nuit)

Vous voulez, n'est-ce pas, que je vous favorise dans votre commerce, soit pour les ventes, soit pour les achats, et que mon secours vous assure tous les gains possibles ; que, grâce à moi, les affaires de toute votre famille s'arrangent bien chez vous et au dehors, que d'amples profits couronnent toujours vos entreprises présentes et futures : vous voulez encore que je ne cesse de vous réjouir vous et les vôtres par d'heureuses nouvelles, et que je vous apporte et vous annonce les plus beaux succès pour la république ; car, vous le savez, les autres dieux m'ont commis l'emploi de veiller aux messages et au commerce : eh bien ! si vous voulez que je m'en acquitte à votre satisfaction, et que mes soins tendent constamment à vous enrichir, il faut que tous, vous écoutiez cette comédie en silence, et que vous soyez arbitres justes et équitables. Maintenant, de quelle part je viens, et quel est l'objet de ma venue, je vais vous le dire ; je m'expliquerai aussi sur mon nom.

C'est Jupiter qui m'envoie; je m'appelle Mercure. Mon père m'a chargé d'une requête auprès de vous, quoiqu'il pensât bien qu'il n'avait qu'à commander, et que vous obéiriez ; il sait que vous lui rendez l'hommage de respect et de crainte qui se doivent à Jupiter. Toutefois, il m'a bien recommandé de vous faire cette demande humblement, en termes fort polis et fort doux; car le Jupiter qui m'envoie redoute autant que n'importe lequel d'entre vous, les coups de bâton. Né de race humaine, tant par sa mère que par son père, faut-il s'étonner qu'il soit timide ? Et moi aussi, moi, le fils de Jupiter, à vivre avec mon père, j'ai appris à craindre les coups. Je viens donc pacifiquement, porteur de paroles de paix, vous demander une chose honnête et facile. On m'envoie, par un honnête motif, solliciter honnêtement une honnête assemblée. En effet, obtenir d'honnêtes gens une malhonnêteté, cela ne se doit pas ; et faire à des gens malhonnêtes une honnête demande, c'est folie. Savent-ils seulement, comprennent-ils ce que c'est qu'honnêteté ? Or, prêtez attention à mes discours. Vous devez vouloir tout ce que nous voulons, mon père et moi ; c'est bien le moins, après tout ce que nous avons fait pour vous et pour la république. Mais que sert de nous en vanter, comme d'autres font dans les tragédies, comme j'ai vu faire à Neptune, à la Valeur, à la Victoire, à Mars, à Bellone1 ? Se vanter de leurs bienfaits envers vous ! Tous ces bienfaits, mon père, souverain des dieux, en est le premier auteur. Mais ce n'est pas son habitude de reprocher aux gens de bien le bien qu'il leur fait. Il est persuadé qu'il n'oblige pas des ingrats, et que vous êtes dignes de ses bontés.

Or çà, je vais vous dire d'abord l'objet de mon ambassade, je vous expliquerai ensuite le sujet de la tragédie. Vous froncez le sourcil ? Parce que je vous annonce une tragédie ? Je suis dieu ; j'ai le pouvoir de la transformer, si vous le souhaitez. D'une tragédie je ferai une comédie, sans y changer un seul vers. Le voulez-vous, ou ne le voulez-vous pas ? Mais quel étourdi je fais ! Comme si je ne le savais pas de science divine ! Oui, je connais votre désir à cet égard. Faisons un mélange, une tragi-comédie. Car, qu'une pièce où figurent des princes et des dieux soit tout à fait une comédie, c'est ce qui ne me paraît pas convenable. Eh bien donc, puisqu'un esclave y joue son rôle, je la convertirai, comme je viens de vous le promettre, en une tragi-comédie.

Voici maintenant ce que Jupiter m'a chargé de vous demander. Il faut que des inspecteurs, à chacun des gradins, surveillent dans toute l'enceinte les spectateurs. S'ils tombent sur une cabale montée, qu'ils saisissent ici même les toges des cabaleurs pour cautionnement. Si quelqu'un a sollicité la palme pour des acteurs ou pour tout autre artiste, soit par des missives, soit par ses démarches personnelles, soit par des intermédiaires; ou si les édiles eux-mêmes prévariquent dans leur jugement, Jupiter ordonne qu'on poursuive les délinquants, comme ceux qui briguent une magistrature pour eux-mêmes ou au profit d'autrui. Il prétend, en effet, que c'est à la vertu que vous devez vos succès, et non à l'intrigue, à la mauvaise foi. Pourquoi donc un comédien ne serait-il pas soumis aux mêmes lois que les plus grands citoyens ? Il faut se recommander par son mérite, sans cabale. On a toujours assez d'appui, quand on va son droit chemin, pourvu qu'on ait affaire à des gens de bonne foi. Encore une autre ordonnance de Jupiter : qu'il y ait aussi des surveillants auprès des acteurs; et si quelques-uns s'avisent de poster des amis pour les applaudir ou pour nuire à leurs rivaux, qu'on leur enlève leur costume, et qu'on leur tanne le cuir. Il n'est pas étonnant que Jupiter prenne intérêt aux comédiens. N'en soyez pas surpris, lui-même il va jouer cette pièce. Vous ouvrez de grands yeux ? Comme si c'était la première fois qu'on vous montrât Jupiter faisant le comédien ! Ici même, l'an dernier, lorsque les acteurs l'invoquèrent sur la scène, il vint et leur prêta son concours. Il est certain d'ailleurs qu'il paraît dans les tragédies. Ainsi Jupiter jouera lui-même aujourd'hui cette comédie, et je la jouerai avec lui.

Maintenant, écoutez bien, je vais exposer le sujet de la pièce.

Cette ville que vous voyez, c'est Thèbes. Cette maison est celle d'Amphitryon, né à Argos, d'un père argien, et mari d'Alcmène, fille d'Electryon. Il commande à présent les armées, car le peuple thébain est en guerre avec les Téléboens. En partant, il a laissé son épouse enceinte. Je n'ai pas besoin de vous dire de quel tempérament est mon père, et tout ce qu'il s'est permis en fait d'aventures galantes, et comme il se passionne pour les beautés qui lui ont tapé dans l'oeil. Il est devenu l'amant d'Alcmène à l'insu d'Amphitryon ; il jouit de son corps, et l'a engrossée par ses embrassements. Il faut que vous sachiez au juste l'état d'Alcmène : elle est doublement enceinte, du fait de son mari et de celui du grand Jupiter. En ce moment mon père est là-dedans qui partage sa couche. Aussi, cette nuit a-t-elle été prolongée, tandis qu'il prend son plaisir à sa volonté : mais sous un déguisement; car il feint d'être Amphitryon.

Quant à moi, ne soyez pas surpris de mon accoutrement et de cet habit d'esclave sous lequel je me présente. Il s'agit d'une vieille et ancienne histoire que je vous rajeunirai. Voilà pourquoi j'ai revêtu ce nouveau costume.

Or donc, mon père est là dans cette maison ; c'est Jupiter, qui s'est transformé en la ressemblance d'Amphitryon, et tous les esclaves en le voyant croient voir leur maître. Voilà comme il se métamorphose, quand il lui plaît. Moi, j'ai pris la figure de l'esclave Sosie, qui a suivi Amphitryon à l'armée ; il fallait bien que je pusse accompagner et servir mon père dans ses amours, sans que les gens de la maison vinssent me demander qui je suis, quand ils me verraient aller et venir à chaque instant, dans la maison. Ils me croiront un esclave, leur camarade, et personne ne me dira : qui es-tu ? que veux-tu ?

Mon père, à l'heure qu'il est, ne se fait faute de plaisir; il tient en même lit, dans ses bras, l'objet de son ardeur. Il lui raconte les événements de la guerre. Alcmène croit être auprès de son époux, elle se livre à un amant. Mon père lui dit comment il a défait les ennemis, quelles récompenses il a reçues. Ces récompenses décernées à Amphitryon, nous les avons dérobées : tout est possible à mon père. Aujourd'hui Amphitryon va revenir de l'armée, et avec lui l'esclave dont vous voyez le portrait en ma personne. Mais, pour qu'on puisse aisément nous reconnaître, j'aurai toujours ce petit plumet sur mon chapeau ; mon père portera sous le sien un cordon d'or, Amphitryon n'en portera pas. Ces signes ne seront visibles à personne de la maison, vous seuls pourrez les voir.

Mais voici venir l'esclave d'Amphitryon, Sosie ; il arrive du port avec sa lanterne. Je vais, pour sa bienvenue, le chasser de ce logis. Le voici. Regardez, vous serez récompensés de votre peine ; Jupiter et Mercure joueront la comédie !

Vers 1-152.






  1. Monologue de Sosie (= Molière acte I, scène 1, vers 159-187)

Quelle audace! Vit-on jamais homme plus téméraire que moi ? Quand je sais comment se comporte notre jeunesse aujourd'hui, cheminer seul, la nuit, à l'heure qu'il est ! Mais que deviendrais-je, si les triumvirs1 me fourraient en prison ? Demain on me tirerait de la cage pour me donner les étrivières. Je ne pourrais pas m'expliquer; mon maître ne serait pas là pour me défendre, et personne n'aurait pitié de moi, pendant que huit robustes gaillards battraient mon pauvre dos comme une enclume. Voilà la belle réception que me fera la république à mon retour. C'est la faute de mon maître, aussi. Quelle dureté, à peine dans le port, de m'envoyer, bon gré, mal gré, à cette heure de la nuit ! Ne pouvait-il pas attendre jusqu'au jour pour ce message ? Que la servitude chez les riches est une rude condition, et que malheureux est l'esclave d'un grand ! Nuit et jour, à chaque instant, mille choses à dire ou à faire. Jamais de repos. Le maître, exempt de travail, vous taille largement la besogne. Tout ce qui lui passe par la tête lui semble juste et raisonnable. Que ses ordres vous donnent beaucoup de mal, qu'ils excèdent ou non vos forces, il n'en tient compte, il n'y songe seulement pas. Ah ! qu'on a d'injustices à souffrir quand on sert ! et cependant il faut garder, supporter ce fardeau avec tous ses ennuis.

Vers 153-175.



comédie



  1. Dialogue Mercure – Sosie (Molière, acte I, scène 2)

SOSIE. — Allons nous acquitter du message dont Amphitryon m'a chargé pour Alcmène. (Apercevant Mercure.) Mais qui est-ce qui se tient là devant la maison à cette heure de nuit ? Cela ne me dit rien de bon.

MERCURE (à part). — Il n'y a pas de plus grand poltron.

SOSIE (à part). —Je me figure que cet homme est venu tout exprès pour rebattre mon manteau.

MERCURE (à part). — Il a peur. Je veux m'en amuser.

SOSIE (à part). — C'est fait de moi. La mâchoire me démange. Certainement il va me régaler d'une provision de coups pour mon arrivée. Il est trop bon; mon maître m'a fait veiller, lui avec ses gourmades veut me faire dormir. Je suis mort ! Voyez, par Hercule ! qu'il est grand et robuste !

MERCURE (à part). — Parlons haut pour qu'il m'entende; il faut redoubler son effroi. (Haut.) Allons! mes poings, il y a longtemps que vous n'avez été bons pourvoyeurs. Il me semble qu'il s'est passé un siècle, depuis qu'hier vous couchâtes par terre ces quatre hommes bien endormis et nus comme ver.

SOSIE (à part). — Ah ! quelle peur j'ai de changer de nom aujourd'hui ! de Sosie je deviendrai Quintus1 ! Il dit qu'il a couché par terre quatre hommes : je tremble d'augmenter le nombre.

MERCURE (dans l'attitude d'un homme qui se prépare à frapper). — Or çà, à nous deux; comme cela.

SOSIE (à part). — Le voilà sous les armes; il est tout prêt.

MERCURE (à part) — Il ne s'en ira pas sans se faire rosser.

SOSIE (à part). — Qui donc ?

MERCURE — Le premier que je rencontrerai... je lui fais avaler mes poings.

SOSIE (à part). — Non, non, je ne mange pas la nuit, si tard; je viens de souper. Tu feras mieux de servir ce repas à des gens en appétit.

MERCURE (à part). — Ces poings-là sont d'un assez bon poids.

SOSIE (à part). — Je suis perdu ! il pèse ses poings.

MERCURE — Si je commençais à le caresser pour l'endormir ?

SOSIE (à part). —Tu me ferais grand bien. Voilà trois nuits que je ne dors pas.

MERCURE — Je suis très mécontent de ma main. Elle ne sait plus frapper comme il faut une joue. Il faut qu'un homme ne soit plus reconnaissable, quand on lui a frotté le museau avec le poing.

SOSIE (à part). — Il va me mettre en presse, et me façonner à neuf la figure.

MERCURE (à part). — Il faut qu'il ne reste pas un seul os à une mâchoire, si les coups ont été bien appliqués.

SOSIE (à part). — Je suis sûr qu'il a envie de me désosser comme une murène. Va-t'en, vilain désosseur d'hommes. C'est fait de moi, s'il m'aperçoit.

MERCURE (à part). — Ne sens-je pas ici quelqu'un ? C'est tant pis pour lui.

SOSIE (à part). — O ciel ! est-ce que j'ai de l'odeur ?

MERCURE — Il ne peut pas être éloigné. (Avec une ironie menaçante.) Mais il faut qu'il revienne de loin.

SOSIE (à part). — C'est un sorcier.

MERCURE (à part). — Les poings me démangent.

SOSIE (à part). — Si tu les apprêtes pour moi, attendris-les un peu contre la muraille.

MERCURE (à part). — Des paroles ont volé jusqu'à mes oreilles.

SOSIE (à part). — Que je suis malheureux d'avoir une voix oiseau ! il fallait lui couper les ailes.

MERCURE (à part). — Il vient au galop chercher sa ruine.

SOSIE (à part). — Je ne suis pas le moindrement à cheval.

MERCURE (à part). — Allons! une bonne charge de coups.

SOSIE (à part). — La traversée m'a bien assez fatigué. J'ai encore mal au coeur. A peine si je puis marcher sans rien porter ; comment veux-tu que j'aille avec ton fardeau ?

MERCURE (à part). — Assurément, j'entends ici parler je ne sais qui.

SOSIE (à part). — Je suis sauvé, il ne m'a pas vu. Il dit qu'il a entendu parler je ne sais qui ; moi, je m'appelle Sosie.

MERCURE (à part). — Une voix, ce me semble, est venue de ce côté frapper mon oreille.

SOSIE (à part). — J'ai peur de payer aujourd'hui pour ma voix qui le frappe.

MERCURE — Le voici justement qui s'approche.

SOSIE (à part). — J'ai peur, je tremble de tout mon corps. Je ne saurais dire, si on me le demande, en quel lieu de la terre je suis dans ce moment. La terreur me rend perclus, immobile ; c'en est fait de Sosie et du message de mon maître. Mais non, parlons vertement à cet homme, pour qu'il me croie du courage ; il n'osera pas me toucher.

MERCURE — Où vas-tu, toi qui portes Vulcain dans cette prison de corne ?

SOSIE — Qu'est-ce que cela te fait, à toi qui brises les os des gens à coups de poing?

MERCURE — Es-tu esclave ou homme libre ?

SOSIE — L'un ou l'autre, selon mon bon plaisir.

MERCURE — Ah! çà, répondras-tu ?

SOSIE — Eh, je te réponds.

MERCURE — Coquin !

SOSIE — A l’instant tu mens.

MERCURE — Je te ferai bientôt convenir que je dis vrai.

SOSIE — Pourquoi faire ?

MERCURE — Puis-je enfin savoir où tu vas ? à qui tu es ? ce qui t'amène ?

SOSIE — Je vais là; j'appartiens à mon maître. Es-tu plus savant ?

MERCURE — Je contraindrai bien ta coquine de langue à me céder.

SOSIE — Tu crois ? Ma langue est honnête fille.

MERCURE — Tu ne cesseras pas d'ergoter ? Qu'as-tu à faire auprès de cette demeure ?

SOSIE — Et toi-même ?

MERCURE — Le roi Créon met ici chaque nuit une sentinelle.

SOSIE — Il fait bien. Nous étions au loin, il a protégé notre logis : mais tu peux t'en aller à présent; dis-lui que les gens de la maison sont de retour.

MERCURE — Je ne sais à quel titre tu peux en être ; mais si tu ne t'éloignes au plus vite, notre ami, tu ne seras pas reçu en ami de la maison.

SOSIE — Mais je demeure ici, te dis-je, et je suis serviteur dans ce logis.

MERCURE — Sais-tu bien...? Je ferai de toi un personnage à part, si tu ne t'en vas.

SOSIE — Comment cela ?

MERCURE — Oui, on t'emportera : tu ne t'en iras pas, si je prends un bâton.

SOSIE — Tu as beau dire, je soutiens que je suis un des serviteurs de cette maison.

MERCURE — Prends garde, tu vas être battu; dépêche-toi de partir.

SOSIE — Comment ! tu voudrais, quand j'arrive, m'interdire l'entrée de chez nous ?

MERCURE — C'est ici ta demeure ?

SOSIE — Je te dis que oui.

MERCURE — Qui donc est ton maître ?

SOSIE — Amphitryon, maintenant général des Thébains, époux d'Alcmène.

MERCURE — Quoi ? quel est ton nom ?

SOSIE — A Thèbes on m'appelle Sosie, fils de Dave1.

MERCURE — Ô comble de l'effronterie ! Venir avec un tissu de fourberies et de mensonges ! Tu t'en repentiras.

SOSIE — Point du tout, je viens avec un tissu de laine et non de mensonges.

MERCURE — Encore un mensonge, car tu viens avec tes pieds et non avec un tissu de laine.

SOSIE — Oui-da.

MERCURE — Oui-da, tu mérites d'être rossé pour tes impostures.

SOSIE — Oui-da, par Pollux, je m'en passerai.

MERCURE — Oui-da, tu le seras malgré toi. Tiens, voilà qui est fait; on ne te demande pas ton avis. (Il le bat.)

SOSIE — Grâce ! par humanité !

MERCURE — Oses-tu dire encore que tu es Sosie, quand c'est moi qui le suis ?

SOSIE — Je suis perdu !

MERCURE — Tu n'y es pas encore : ce sera bien autre chose. A qui appartiens-tu maintenant ?

SOSIE — A toi, puisque ton poing t'a mis en possession de ma personne. Ô Thébains ! citoyens ! à l'aide !

MERCURE — Tu cries, bourreau ? Parle : pourquoi viens-tu ?

SOSIE — Pour être la victime de tes poings.

MERCURE — A qui appartiens-tu ?

SOSIE — A Amphitryon, te dis-je, moi, Sosie.

MERCURE — Je t'assommerai pour mentir ainsi. C'est moi qui suis Sosie ; ce n'est pas toi.

SOSIE (à part). — Plût aux dieux que tu le fusses au lieu de moi, comme je t'étrillerais !

MERCURE — Tu murmures ?

SOSIE — Je me tais.

MERCURE — Qui est ton maître ?

SOSIE — Qui tu voudras.

MERCURE — Hein ? Quel est ton nom ?

SOSIE — Pas de nom, sinon celui qu'il te plaira que je porte.

MERCURE — Tu me disais que tu étais Sosie, à Amphitryon.

SOSIE — Je me suis trompé; c'est associé à Amphitryon que je voulais dire.

MERCURE — Je savais bien que nous n'avions pas d'autre esclave Sosie que moi. Tu as perdu l'esprit.

SOSIE (à part). — Que n'en as-tu fait autant de tes poings !

MERCURE — C'est moi qui suis ce Sosie que tout à l'heure tu prétendais être.

SOSIE — Je t'en supplie, permets-moi de te parler en paix, et sans que les poings s'en mêlent.

MERCURE — Eh bien ! faisons trêve pour un moment, et parle.

SOSIE — Je ne parlerai pas que la paix ne soit conclue ; tu es trop fort des poings.

MERCURE — Dis tout ce que tu voudras, je ne te ferai pas de mal.

SOSIE — Tu me le promets ?

MERCURE — Oui.

SOSIE — Et si tu me trompes ?

MERCURE — Qu'alors retombe sur Sosie la colère de Mercure.

SOSIE — Écoute donc. A présent, je peux parler librement sans rien déguiser. Je suis Sosie, esclave d'Amphitryon.

MERCURE — Ça recommence !

SOSIE — J'ai fait la paix, j'ai fait un traité. Je dis la vérité.

MERCURE — Gare aux coups !

SOSIE — Ce que tu voudras, comme tu voudras; tu es le plus fort des poings. Mais tu auras beau faire; par Hercule ! je ne me renierai pas.

MERCURE — Je veux être mort si tu m'empêches aujourd'hui d'être Sosie.

SOSIE — Et toi, par Pollux, tu ne m'empêcheras pas d'être moi, et d'appartenir à mon maître. Il n'y a pas ici d'autre esclave nommé Sosie que moi, qui ai suivi Amphitryon à l'armée.

MERCURE — Cet homme est fou.

SOSIE — Tu me gratifies de ton propre mal. Quoi, maudit animal ! est-ce que je ne suis pas Sosie, l'esclave d'Amphitryon ? Notre vaisseau ne m'a-t-il pas conduit ici, cette nuit, du port Persique ? Mon maître ne m'a-t-il pas envoyé ici ? N'est-ce pas moi que voilà debout devant notre maison ? N'ai-je pas une lanterne à la main ? Ne parlé-je pas ? Ne suis-je pas éveillé ? Cet homme ne m'a-t-il pas tout à l'heure pilé à coups de poing ? Vraiment, oui ; ma pauvre mâchoire ne s'en ressent que trop. Mais pourquoi tant tarder ? Entrons chez nous.

MERCURE — Chez vous ?

SOSIE — Oui, bien sûr.

MERCURE — Non, tu n'as dit que des mensonges. C'est moi qui suis Sosie, esclave d'Amphitryon. Notre vaisseau est parti cette nuit du port Persique, et nous avons pris la ville où régna Ptérélas, et nous avons défait les légions des Téléboens, et mon maître a tué de sa propre main Ptérélas dans le combat.

SOSIE — Je m'en crois à peine, quand je l'entends parler de la sorte. C'est qu'il dit tous les faits, de point en point, exactement. Mais voyons. Sur le butin enlevé aux Téléboens, qu'a-t-on donné à Amphitryon ?

MERCURE — La coupe d'or qui servait au roi Ptérélas dans ses repas.

SOSIE — Voilà. Et où est-elle à présent ?

MERCURE — Dans un coffret scellé du cachet d'Amphitryon.

SOSIE — Et quel signe porte le cachet ?

MERCURE — Un Soleil levant sur un quadrige. Pourquoi toutes ces questions insidieuses, bourreau ?

SOSIE (à part).Voilà des preuves convaincantes. Je n'ai plus qu'à trouver un autre nom. D'où a-t-il vu tout cela ? Mais je vais bien l'attraper. Ce que j'ai fait tout seul, sans témoin, dans notre tente, il ne va jamais pouvoir me le dire. (Haut.) Si tu es Sosie, pendant le fort de la bataille que faisais-tu dans la tente ? Je m'avoue vaincu si tu le dis.

MERCURE — Il y avait une grande jarre de vin ; je remplis de ce vin une tasse.

SOSIE — L'y voilà.

MERCURE — Et tel qu'il était sorti du sein maternel, je l'avalai tout pur.

SOSIE — Je finirai par croire qu'il était caché dans la tasse. Le fait est vrai. J'ai bu une grande tasse de vin pur.

MERCURE — Eh bien ! t'ai-je convaincu que tu n'es pas Sosie ?

SOSIE — Tu prétends que je ne le suis pas ?

MERCURE — Oui, certes, puisque c'est moi qui le suis.

SOSIE — J'atteste Jupiter que je le suis et que je dis vrai.

MERCURE — Et moi, j'atteste Mercure que Jupiter ne te croit pas. Il s'en rapportera plus, j'en suis sûr, à ma simple parole qu'à tous tes serments.

SOSIE — Qui suis-je donc, au moins, si je ne suis pas Sosie ? Je te le demande.

MERCURE — Quand je ne voudrai plus être Sosie, alors tu pourras l'être. Mais à présent que je le suis, je t'assommerai si tu ne t'en vas, homme sans nom.

SOSIE — Par Pollux ! plus je l'examine, et plus je reconnais ma figure. Voilà bien ma ressemblance, comme je me suis vu souvent dans un miroir. Il a le même chapeau, le même habit. Il me ressemble comme moi-même. Le pied, la jambe, la taille, les cheveux, les yeux, la bouche, les joues, le menton, le cou; tout enfin. Qu'est-il besoin de paroles ? S'il a le dos labouré de cicatrices, il n'y a pas de ressemblance plus ressemblante. Cependant, quand j'y pense, je suis toujours ce que j'étais. Certes, je connais mon maître, je connais notre maison, j'ai l'usage de ma raison et de mes sens. Ne nous arrêtons pas à ce qu'il peut dire. Frappons à la porte.

MERCURE — Où vas-tu ?

SOSIE — A la maison.

MERCURE — Quand tu monterais sur le char de Jupiter, pour t'enfuir au plus tôt, tu aurais peine encore à éviter le châtiment.

SOSIE — Ne m'est-il pas permis de rapporter à ma maîtresse ce que mon maître m'a chargé de lui dire ?

MERCURE — A ta maîtresse, oui, tant que tu voudras; mais pour la nôtre, ici, je ne souffrirai pas que tu lui parles. Si tu m'irrites, tu n'emporteras d'ici que les débris de tes reins.

SOSIE — J'aime mieux me retirer. Ô dieux immortels, secourez-moi ! Que suis-je devenu ? En quoi m'a-t-on changé ? Comment ai-je perdu ma figure ? Est-ce que je me serais laissé là-bas par étourderie ? car il possède mon image, celle qui fut mienne jusqu'aujourd'hui. Vraiment on me fait de mon vivant un honneur qu'on ne me rendra pas après ma mort1. Allons au port ; je le dirai à mon maître et tout ce qui s'est passé, à moins que pour lui aussi je sois un inconnu. Ô Jupiter ! porte-moi chance, et puissé-je aujourd'hui, tête chauve, coiffer le chapeau de l'affranchissement ! (Il sort.)

Vers 291-462.





  1. Le dénouement : tirade de Jupiter (Molière, acte III, scène 10)

Rassure-toi, Amphitryon; je viens te protéger avec tous les tiens. Tu n'as rien à redouter. Laisse-là les devins et les aruspices1. Je t'instruirai et du passé et de l'avenir, mieux qu'ils ne pourraient le faire, car je suis Jupiter. D'abord, j'ai pris jouissance du corps d'Alcmène ; et de notre union elle a conçu un fils. Toi aussi, tu la rendis mère, avant de partir pour l'armée. Les deux enfants sont nés en même temps. Celui qui est formé de mon sang te couronnera par ses exploits d'une gloire immortelle. Rends à ton épouse ton affection première; elle ne mérite point tes reproches ; elle a cédé à ma violence. Je remonte dans les cieux.

Vers 1131-1143.

comédie




comédie
Extrait 2 : Plaute, Aulularia. Traduction Naudet, 1833.
Monologue d’Euclion après la disparition de sa marmite pleine d’or (Molière, L’Avare, IV, 7).
EUCLION, seul.
Je suis mort ! je suis égorgé ! je suis assassiné ! Où courir ? où ne pas courir ? Arrêtez ! arrêtez ! Qui ? lequel ? je ne sais ; je ne vois plus, je marche dans les ténèbres. Où vais-je ? où suis-je ? Qui suis-je ? je ne sais ; je n'ai plus ma tête. Ah ! je vous prie, je vous conjure, secourez-moi. Montrez-moi celui qui me l'a ravie... vous autres cachés sous vos robes blanchies1, et assis comme des honnêtes gens... Parle, toi, je veux t'en croire ; ta figure annonce un homme de bien... Qu'est-ce ? pourquoi riez-vous ? On vous connaît tous. Certainement, il y a ici plus d'un voleur... Eh bien ! dis ; aucun d'eux ne l’a prise ? .... Tu me donnes le coup de la mort. Dis-moi donc, qui est-ce qui l'a ? Tu l'ignores ! Ah ! malheureux, malheureux ! C'est fait de moi ; plus de ressource, je suis dépouillé de tout ! Jour déplorable, jour funeste, qui m'apporte la misère et la faim ! Il n'y a pas de mortel sur la terre qui ait éprouvé un pareil désastre. Et qu'ai-je à faire de la vie, à présent que j'ai perdu un si beau trésor, que je gardais avec tant de soin ? Pour lui je me dérobais le nécessaire, je me refusais toute satisfaction, tout plaisir. Et il fait la joie d'un autre qui me ruine et qui me tue ! Non, je n'y survivrai pas.
comédie
Extraits 3 : Phormion. Traduction Clouart, Garnier.
Traduction du résumé de la pièce tel qu’il figure dans les manuscrits :

Démiphon, frère de Chrémès, était parti pour l'étranger, laissant à Athènes son fils Antiphon. Chrémès avait secrètement à Lemnos une femme et une fille, et à Athènes une autre femme et un fils qui aimait éperdument une joueuse de lyre. La femme de Lemnos vient à Athènes et y meurt. La jeune orpheline (Chrémès était absent) s'occupe des funérailles. Antiphon l'y voit et s'éprend d'elle, puis l'épouse grâce à l'adresse d'un parasite. Son père et Chrémès, de retour, font éclater leur mécontentement, puis ils donnent trente mines au parasite, afin qu'il la prenne pour femme. L'argent sert au rachat de la joueuse de lyre. Antiphon garde sa femme, en qui l'oncle reconnaît son enfant.




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