La tragédie et la comédie à rome. Brève présentation et choix de textes



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La comédie

1. Présentation


Il nous reste des textes substantiels de deux auteurs seulement, Plaute et Térence. Toutes les pièces conservées sont des fabulae palliatae, « pièces jouées en manteau grec », dont le modèle semble être la comédie nouvelle athénienne (celle de Ménandre, fin du 4e siècle av. J.-C.). Le sujet, les personnages et beaucoup de détails concrets sont grecs, mais les caractères sont proprement romains.

L’intrigue de la plupart des textes est stéréotypée et les personnages répétitifs : un jeune homme amoureux aidé par un esclave dévoué, une jeune fille libre devenue prostituée qui retrouve son honneur, un père sévère puis attendri, et des personnages secondaires variables : le parasite, le soldat, le vieillard, le ou la proxénète, le cuisinier, etc.

L’invention comique est essentielle et multiple, au détriment de la cohérence et de la vraisemblance.

Un prologue présente l’action et les commentaires de l’auteur, ainsi qu’un appel à l’attention des spectateurs. Le dénouement est très souvent une scène de reconnaissance.

Dans une proportion difficile à déterminer, les pièces étaient musicales : les passages parlés (diverbia) sont accompagnés à la « flute » (en réalité plutôt un hautbois) et les passages appelés cantica sont tantôt des sortes de récitatifs, tantôt des chants exécutés par les acteurs, sans chœur. Les acteurs (au moins cinq dans certaines pièces) sont très probablement masqués.

La division en actes date de la Renaissance. Depuis cette époque les auteurs sont nombreux à s’inspirer de ces comédies, par exemple Molière pour Amphitryon, l’Avare et les Fourberies de Scapin.

Bibliographie :


  • Florence DUPONT, L'acteur-roi. Le théâtre dans la Rome antique, Belles-Lettres, 2003

  • Le Théâtre à Rome, Marie-Hélène FRANÇOIS-GARELLI, Jean-Christian DUMONT, Livre de Poche 1998.

  • Les manuels de latin de Première, par exemple Nathan et Hatier (programme 2008).

2. Auteurs et titres




PLAUTE (255 – 184 av. J.-C.)

TÉRENCE (185 – vers 160 av. J.-C.)

Amphitryon

Asinaria (la Comédie aux ânes)

Aulularia (la Petite Marmite)

les Bacchides

Captivi (les Captifs)

Casina

Cistellaria (la Cassette)

Curculio (le Charançon)

Epidicus

les Ménechmes

Mercator (le Marchand)

Miles gloriosus (le Soldat fanfaron)

Mostellaria (le Fantôme)

Persa (le Perse)

Poenulus (le Petit Carthaginois)

Pseudolus

Rudens (le Cordage)

Stichus

Trinummus (les Trois Sous)

Truculentus

Vidularia (la Valise)

au total 21 pièces plus ou moins complètement conservées, sur les 130 qu’on attribue à Plaute.



l’Andrienne

Heautontimoroumenos (en grec, le Bourreau de soi-même)

l’Eunuque

les Adelphes

l’Hécyre

Phormion


3. Textes




  • en ligne :

PLAUTE

  • Traductions : voir le détail sur http://www.weblettres.net/languesanc/?page=traductions&n=403

    • 15 pièces sur http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Plaute/table.htm

    • plusieurs pièces sur http://www.roma-quadrata.com/index.html

  • Texte et traduction : 4 pièces sur http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/intro.htm#plaute

TÉRENCE


  • Traductions : http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Terence/index.htm




  • Texte et traduction :

    • 2 pièces sur http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/intro.htm#terence

    • 5 des 6 pièces : http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Terence/index.htm



  • des extraits en vidéo de la Mostellaria  de Plaute:

http://www.youtube.com/watch?v=Hm7stqpmHgQ

http://www.youtube.com/watch?v=O4Szeo2kR_c





  • en librairie

PLAUTE

  • Édition bilingue intégrale, Belles-Lettres, 7 tomes

  • Théâtre complet, Folio 1991, 2 tomes

  • Amphitryon, l’Aululaire, le Soldat fanfaron, Flammarion GF 1991

  • La Comédie au fantôme, l’École des loisirs, 1989

  • La Marmite et Pseudolus, Actes sud, 2001

TÉRENCE


  • Théâtre complet, Folio 2001

  • Édition bilingue intégrale, Belles-Lettres, 3 tomes

4. Extraits


  • les scènes d’exposition : 5 exemples tirés de 5 comédies latines


Ces exemples donnent une bonne idée de l’originalité de la comédie latine et de son fonctionnement (sujet, personnages, conditions de création et de représentation, rapports auteur – public, etc.).


  • les sources de Molière : 9 extraits de 3 comédies latines que l’on reconnait chez Molière.


On pourra confronter les textes ci-dessous et les passages comparables dans les 3 pièces où Molière a le plus directement puisé chez les comiques latins : Amphitryon, L’Avare et Les Fourberies de Scapin. On constatera notamment que le XVIIe siècle ne connaissait pas nos réticences en matière d’emprunt.

Haut du document


A) les scènes d’exposition

Texte 1 : prologue du Poenulus de Plaute

Texte 2 : prologue de la Casina

Texte 3 : début du Miles gloriosus

Texte 4 : début du Curculio

Texte 5 : prologue de l’Hécyre de Térence



Texte 1 :

PLAUTE, prologue du Poenulus, v. 1-129. Traduction A. Ernout, Belles-Lettres, 1937-1970, modifiée sur la fin.


Le chef de troupe s’adresse aux spectateurs pour capter d’abord leur attention et leur bienveillance, puis il leur expose l’intrigue de la pièce. Il semble qu’il porte un costume signalant cette fonction.

Ce passage renseigne également sur la composition du public et l’ambiance théâtrale.

J'ai envie de vous remettre en mémoire l'Achille d'Aristarque ; aussi emprunterai-je mon début à cette tragédie. (Élevant la voix) « Taisez-vous, faites silence, et prêtez attention. Écoutez, c'est l'ordre du grand vainqueur d'Histri... onie1. » Il veut voir bien disposés tous ceux qui siègent sur ces gradins, qu'ils y soient venus le ventre vide ou la panse pleine. Vous qui avez mangé, vous avez beaucoup mieux fait ; vous qui n'avez pas mangé, vous vous rassasierez de fables comiques. Vraiment, quand on a chez soi à manger tout préparé, c'est grande folie de venir, à cause de nous, s'asseoir ici sans avoir déjeuné.

« Lève-toi, crieur ; avertis le public d'avoir à nous écouter. » Il y a une heure que j'attends pour voir si tu sais ton métier. Exerce ta voix qui fournit à ton existence et à ton entretien ; car, si tu refuses de crier, pendant que tu ne dis rien, la famine se glissera chez toi. (Après la proclamation du héraut) Allons, rassieds-toi, afin d'emporter d'ici double salaire. (Lacune ; il s'adresse aux spectateurs) ... Bien vous fasse : que vous observiez mes édits. Qu'aucune vieille putain ne vienne s'asseoir sur le proscénium ; que les licteurs ne soufflent mot, ni eux, ni leurs verges ; que l'ordonnateur ne passe pas devant le nez des gens, et ne conduise personne à sa place pendant que les acteurs seront en scène. Ceux qui ont dormi la grasse matinée chez eux doivent se résigner à rester debout maintenant ; ou bien, qu'ils dorment un peu moins. Que les esclaves n'envahissent pas les gradins, qu'ils laissent la place aux hommes libres, ou qu'ils payent ce qu'il faut pour s'affranchir. S'ils ne peuvent le faire, qu'ils s'en aillent chez eux, pour éviter la double infortune d'être bigarrés ici par les verges, et au logis par les étrivières qui puniraient leur négligence au retour de leurs maîtres. Que les nourrices soignent à la maison leurs poupons, et ne s'avisent pas de les apporter au spectacle : ainsi elles ne mourront pas de soif et leurs bébés ne mourront pas non plus de faim, et ne bêleront pas ici d'inanition comme des chevreaux. Que les dames regardent sans rien dire, qu'elles rient sans rien dire, qu'elles modèrent les éclats de leur voix flûtée ; qu'elles gardent pour la maison leurs sujets de conversation, afin de ne pas assommer leurs maris, ici comme chez elles. Quant aux organisateurs des jeux, qu'ils ne décernent la palme à aucun artiste injustement ; qu'aucun artiste non plus ne soit chassé du théâtre par la cabale, pour assurer le triomphe des mauvais sur les bons.

Et ceci encore, que j'ai failli oublier. Pendant le spectacle, vous autres, les valets de pied, faites irruption au cabaret ; pendant que c'est l'occasion, pendant que les tartes fument dans le four, vite, courez. Ces ordonnances que j'édicte en vertu de mon pouvoir histrionien (grand bien vous fasse, par Hercule !), que chacun s'en souvienne pour son compte personnel.


Maintenant, le sujet de la pièce, à son tour. Je veux y revenir, pour que vous en soyez instruits aussi bien que moi. Je vais en tracer les divisions, les limites, avec tenants et aboutissants: c'est moi qu'on a désigné comme arpenteur pour cette opération. Mais, si cela ne vous ennuie pas, je voudrais vous dire le titre de la comédie. Si cela vous ennuie, ... je le dirai tout de même, pourvu que j'y sois autorisé par qui de droit.

Cette comédie s'appelle en gre) le Carthaginois ; Plaute Pultiphagonide1 l'intitule en latin l'Oncle. Vous avez déjà le titre. Maintenant, je vais vous rendre compte du reste, car c'est ici que le sujet va être soumis à votre censure. Chaque sujet doit être déclaré devant le proscénium afférent, et c'est vous qui êtes les experts assermentés. Veuillez écouter, s'il vous plaît.

Il y avait à Carthage deux cousins germains, tous deux de très grande famille, de très grande fortune. L'un est vivant, l'autre est mort depuis longtemps. Je vous le dis avec d'autant plus d'assurance que je le tiens de l'embaumeur qui a fait l'embaumement. Or le vieillard qui est mort avait un fils unique, lequel fut arraché à son père, et enlevé de Carthage tout jeune encore, à l'âge de sept ans, cela six ans avant le décès de son père. Ce dernier, se voyant privé de son fils unique, tombe lui-même malade de chagrin, fait son héritier de son cousin germain, et, quant à lui, il part pour l'Achéron sans le moindre bagage. L'homme qui avait dérobé l'enfant l'emmène ici à Calydon2, le vend comme esclave à un vieux richard qui voulait des enfants, mais détestait les femmes. Cet enfant qu'acheta le vieillard, c'était, sans qu'il le sût, le fils de son hôte. Il l'adopte pour fils, et en fit son héritier quand vint son dernier jour. Le jeune homme habite là-bas, dans cette maison-là (il montre la maison d'Agorastoclès sur la place).

Je fais demi-tour, et retourne encore une fois à Carthage. Avez-vous des commissions, ou quelque affaire à me confier ? Si vous ne me donnez pas d'argent, vous perdrez votre temps ; mais si vous m'en donnez, vous perdrez bien davantage encore. Or l'oncle du jeune homme, le vieillard qui vit encore, avait à Carthage deux filles, l'une de cinq ans, l'autre de quatre ans à peine. Toutes deux lui furent volées, en même temps que leur nourrice, à Magara3. Leur ravisseur les emmène dans la ville d'Anactorium4, et les vend toutes ensemble, nourrice et petites filles, argent comptant, à un homme (si toutefois un leno5 mérite ce nom) qui est bien le plus maudit scélérat que la terre ait jamais porté. Au reste, jugez vous-mêmes quelle espèce d'homme on peut être, quand on s'appelle Leloup. D'Anactorium, où il habitait d'abord, il est venu se fixer ici à Calydon, il n'y a pas longtemps, pour faire son commerce ; il habite dans cette maison que voilà (il montre la maison en face de celle d'Agorastoclès). Le jeune homme est amoureux fou d'une des deux jeunes filles, sa propre cousine, sans qu'il s'en doute ; il ignore qui elle est, il ne l'a jamais touchée, tellement le léno le fait languir, et jusqu'à présent il n'a rien fait de répréhensible avec elle, il ne l'a jamais emmenée chez lui, pas plus que le léno n'a voulu l'y envoyer ; le voyant amoureux, il veut le prendre dans sa nasse. L'autre, la cadette, un militaire veut l'acheter pour en faire sa maîtresse, car il l'aime à en perdre la tête.

Mais le Carthaginois, leur père, depuis qu'il les a perdues, ne cesse de les chercher partout, et sur terre et sur mer. A peine a-t-il mis le pied dans une ville qu'aussitôt il va voir l'une après l'autre toutes les courtisanes qui l'habitent. Il leur donne de l'argent, il les engage pour une nuit, et ensuite il pose à chacune cent questions : d'où est-elle, de quel pays, a-t-elle été prise à la guerre ou enlevée par les pirates, quelle est sa famille, quels étaient ses parents. C'est ainsi qu'il met toute son habileté et tout son art à chercher après ses filles. En outre, il sait toutes les langues ; mais il fait semblant, sciemment, de ne pas les savoir. C'est un vrai Carthaginois, c'est tout dire6. Il a débarqué hier soir dans ce port ; et c'est le père des jeunes filles qui sont ici (montrant la maison du léno), en même temps que l'oncle du jeune homme qui habite là (montrant la maison d'Agorastoclès). Tenez-vous le fil ? Si vous le tenez, tirez-le ; mais faites attention de ne pas le rompre, s'il vous plaît; laissez-le se dérouler jusqu'au bout. (Il va comme pour se retirer, mais il s'arrête, et semble tout à coup se raviser) Ah! j'allais oublier de vous dire le reste. Le vieillard qui a fait du jeune homme son fils adoptif fut jadis en relations d'hospitalité avec l'oncle de Carthage ; ce dernier va venir aujourd'hui dans cette ville, il retrouvera ses filles ici (montrant la maison du léno), et là, le fils de son cousin germain (montrant la maison d'Agorastoclès) ; c'est du moins ce que j'ai appris.
Je vais m'habiller ; vous, préparez-vous à nous juger avec équité. Le Carthaginois qui va venir aujourd’hui retrouvera ses filles et son neveu. Pour le reste soyez-nous favorables. Je m’en vais : il faut que je change de personnage. Il y a d’autres acteurs pour vous révéler le reste. Adieu et assistez-nous, que le dieu du Salut vous garde.

comédie



Texte 2 :

PLAUTE, prologue de la Casina, vers 1-88. Traduction Clouard, Garnier.


Dans ce prologue on retrouve les deux éléments habituels : l’appel au public et le résumé de l’intrigue. A noter en outre l’indication qu’il s’agit d’une reprise, plusieurs années après la création.

Salut, très honorables spectateurs, qui estimez à très haut prix la Bonne Foi, comme la Bonne Foi vous estime. Si je dis vrai, montrez-le-moi par un témoignage éclatant (il fait le geste d'applaudir), afin que je connaisse dès l'abord vos bonnes dispositions. (Après un repos.) Ceux qui préfèrent le vin vieux sont des sages, à mon sens, comme ceux qui se plaisent aux vieilles comédies. Puisque vous approuvez les oeuvres anciennes et l'ancien langage, les vieilles comédies surtout doivent avoir votre approbation. Les pièces nouvelles, qu'on donne aujourd'hui, sont encore plus mauvaises que la nouvelle monnaie. Or donc, nous nous empressons, ayant appris par la voix publique votre goût particulier pour le théâtre de Plaute, de vous donner une ancienne comédie de cet auteur, que vous avez applaudie, vous, les vieillards : car les jeunes, je le pense, ne la connaissent pas ; mais nous allons la leur faire connaître, nous n'y épargnerons pas nos soins. La première fois qu'on la joua, elle l'emporta sur toutes les autres. C'était le temps où brillait la fleur des poètes, qui sont maintenant descendus au commun séjour. Mais quoiqu'ils ne vivent plus, ils sont encore utiles aux vivants. Veuillez donc, je vous en prie instamment, écouter sans distraction notre troupe. Bannissez de votre esprit les soucis et les dettes, et que la crainte des créanciers s'efface entièrement. Nous sommes en temps de fête ; c'est fête aussi chez les banquiers. Le calme règne, et les alcyons planent sur le Forum. Le calcul des banquiers est bon : ils ne réclament rien à personne pendant les jeux; après les jeux, ils ne rendent rien à personne. Si vos oreilles sont disponibles, prêtez-moi attention. Je vais vous dire le titre de la comédie : en grec, c'est Cleroumenoi ; en latin, les Tireurs au sort. L'auteur grec est Diphile1 ; puis Plaute, avec son nom qui jappe2, l'a transcrite en latin.

Ici (montrant la maison de Lysidame) demeure un vieillard marié ; il a un fils, lequel habite avec son père dans cette maison. A ce vieillard appartient un esclave, qu'une maladie tient au lit. Ou plutôt, par Hercule! il est couché, ne mentons pas. Cet esclave (il y a de cela seize ans) aperçut, à l'aube naissante, une petite fille qu'on exposait ; il court à la femme qui abandonnait l'enfant et la lui réclame : il l'obtient ; il l'emporte aussitôt à la maison. Il l'offre à sa maîtresse, et la recommande à ses soins pour l'élever ; la maîtresse s'en charge, et tient son rôle avec le zèle d'une mère, ou peu s'en faut. Quand la fillette fut grande et en âge de plaire, voilà que notre vieillard se meurt d'amour pour elle, et, de son côté, le jeune homme fait de même. Tous les deux arment leurs légions, le père contre le fils, le fils contre le père, à l'insu l'un de l'autre. Le vieillard a mis en avant son fermier, avec ordre de demander la belle en mariage, comptant bien, si son homme réussit, se réserver d'agréables veilles hors du logis, en cachette de sa femme. Le fils, d'autre part, fait faire à son écuyer une demande en mariage, ne doutant pas que, si l'affaire se conclut, il tiendra ce qu'il aime dans son bercail. Mais l'épouse du vieillard a deviné ses projets d'amour ; aussi s'est-elle rangée du parti de son fils. Le vieillard, à son tour, a compris qu'il avait en son fils un rival, obstacle dangereux ; il l'a expédié, pour s'en défaire, à l'étranger. La mère, qu'on n'abuse pas, protège l'absent, comme s'il était là. N'attendez pas qu'il paraisse aujourd'hui dans la comédie; il ne reviendra pas à la ville. Plaute ne l'a pas voulu ; il a rompu un pont qui se trouvait sur la route du jeune homme. Sans doute il y a ici des gens qui se disent à l'oreille : « Qu'est-ce que cela ? Dites-moi donc, des noces d'esclaves ! on va voir des esclaves se marier, ou rechercher filles en mariage ? On nous donne du nouveau, quelque chose qui ne se voit en aucun pays du monde. » Eh bien, moi, j'affirme que cela se pratique en Grèce, et à Carthage, et même ici, dans nos contrées, en Apulie ; et les mariages d'esclaves sont là chose plus soignée que les mariages même entre citoyens1. Si ce n'est pas vrai, gageons ; mette qui voudra une amphore de vin miellé, pourvu que nous prenions pour juge un Carthaginois, voire même un Grec, ou, à cause de moi, un Apulien. Eh bien ! vous ne dites mot ? Je vois, personne n'a soif.

Revenons à la jeune fille exposée dans son enfance, et que les deux esclaves se disputent avec tant de chaleur. A la fin, elle se trouvera pure, et de condition libre, et fille d'un citoyen d'Athènes. Elle ne fera rien qui blesse la pudeur, dans cette comédie s'entend. Mais laissez finir le spectacle ; par Hercule ! un moment après, si l'on veut payer, je ne crois pas qu'elle se fasse prier pour convoler, et sans attendre les témoins.

C'est assez. Salut, soyez fortunés et triomphez par votre loyal courage, dorénavant comme au temps passé.

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Texte 3 :

PLAUTE, scène d’exposition du Miles gloriosus, le Soldat fanfaron, vers 1-69. Traduction Clouard, Garnier. Pour une traduction plus expressive, voir Anthologie de la littérature latine, J. Gaillard, Folio n° 4272, p. 59-62.
En l’absence de prologue, le début de la pièce permet d’exposer l’intrigue par le dialogue, ici entre Pyrgopolinice (en grec « le vainqueur de la place forte ») et le parasite Artotrogus (« rongeur de pain »).

Corneille se souviendra de ce passage pour le rôle de Matamore dans l’Illusion comique.

PYRGOPOLINICE

Soignez mon bouclier ; que son éclat soit plus resplendissant que les rayons du soleil dans un ciel pur. Il faut qu'au jour de la bataille, les ennemis, dans le feu de la mêlée, aient la vue éblouie par ses feux. Et toi, mon épée, console-toi, ne te lamente pas tant, ne laisse point abattre ton courage, s'il y a trop longtemps que je te porte oisive à mon côté, tandis que tu frémis d'impatience de faire un hachis d'ennemis. Mais où est Artotrogus ? Ah, le voici.

ARTOTROGUS

Il est là, le fidèle compagnon d'un guerrier courageux, intrépide, beau comme un roi, vaillant comme un héros. Mars n'oserait, pour vanter ses vertus, les comparer aux tiennes.

PYRGOPOLINICE

Tu te souviens du garçon que je sauvai dans les champs Curculioniens2, où commandait en chef Bombomachidès Clytomestoridysarchidès3, petit-fils de Neptune ?

ARTOTROGUS

Je m'en souviens; tu veux parler de ce guerrier aux armes d'or, dont tu dispersas d'un souffle les légions, comme le vent dissipe les feuilles ou le chaume des toits.

PYRGOPOLINICE

Cela n'est rien, par Pollux !

ARTOTROGUS

Rien, par Hercule, au prix de toutes les autres prouesses... (à part) que tu n'as jamais faites. S'il existe un plus effronté menteur, un glorieux plus vain, eh bien, je me vendrai à lui en toute propriété ; sinon, on se paiera une orgie de confitures d'olives.

PYRGOPOLINICE

Où es-tu ?

ARTOTROGUS

Me voici. Et dans l'Inde, par Pollux, comme tu cassas, d'un coup de poing, le bras à un éléphant !

PYRGOPOLINICE

Comment le bras ?

ARTOTROGUS

Je voulais dire la cuisse.

PYRGOPOLINICE

Et j'y allais négligemment.

ARTOTROGUS

Si tu y avais mis toute ta force, par Pollux, tu aurais traversé le cuir, le ventre, la mâchoire de l'éléphant avec ton bras.

PYRGOPOLINICE

Je ne veux pas entendre parler de tout cela pour le moment.

ARTOTROGUS

Par Hercule, tu n'as pas besoin de me raconter tes hauts faits, à moi qui les connais si bien. (A part.) C'est mon ventre qui me cause toutes ces tribulations ; il faut que mes oreilles les subissent, pour que mes dents ne s'allongent pas ; et je suis obligé d'applaudir à tous les mensonges qu'il lui plaît d'inventer.

PYRGOPOLINICE

Qu'est-ce que je voulais dire ?

ARTOTROGUS

Ah, je sais déjà ta pensée. Oui, le fait est vrai, par Hercule, je m'en souviens.

PYRGOPOLINICE

Qu'est-ce ?

ARTOTROGUS

Tout ce qu'il te plaira.

PYRGOPOLINICE

As-tu des tablettes ?

ARTOTROGUS

Veux-tu enrôler des troupes ? j'ai aussi un poinçon.

PYRGOPOLINICE

Que tes pensées s'accordent bien avec les miennes !
ARTOTROGUS

C'est un devoir pour moi de connaître ton humeur, de m'en faire une étude assidue, pour que mon esprit vole au-devant de tes désirs.

PYRGOPOLINICE

Te souviens-tu ?...

ARTOTROGUS

Oui, cent cinquante hommes en Cilicie, cent Scytholatronides1, trente Sardes, soixante Macédoniens périrent sous tes coups en un seul jour.

PYRGOPOLINICE

Combien cela fait-il de morts ?

ARTOTROGUS

Sept mille.

PYRGOPOLINICE

Ce doit être cela ; tu comptes bien.

ARTOTROGUS

Je n'ai pas besoin de tenir registre pour m'en souvenir.

PYRGOPOLINICE

Par Pollux, ta mémoire est excellente.

ARTOTROGUS (à part)

Les bons morceaux me la rafraîchissent.

PYRGOPOLINICE

Tant que tu te comporteras comme jusqu'à ce jour, tu seras sans arrêt bien nourri ; je t'admettrai toujours à ma table.

ARTOTROGUS (avec un redoublement de chaleur)

Hein ! Et en Cappadoce, si ton glaive ne s'était pas émoussé, n'aurais-tu pas tué d'un seul coup cinq cents ennemis ?

PYRGOPOLINICE

Mauvais soldats, s'ils avaient échappé !

ARTOTROGUS

Et pourquoi te dirais-je ce qui est connu de l'univers, que Pyrgopolinice efface tout ce qui existe sur la terre par sa bravoure, sa beauté, sa force invincible ? Toutes les femmes t'adorent, et elles n'ont pas tort, vraiment ; tu es si magnifique ! ... Par exemple, celles qui me prirent hier par mon manteau.

PYRGOPOLINICE

Que t'ont-elles dit hier ?

ARTOTROGUS

« N'est-ce point Achille qui est avec toi ? demandait l'une d'elles. Non, répondis-je, c'est son frère. Ah ! oui, par Castor, s'écrie l'autre avec un mouvement de tête ; qu'il me semble beau ! qu'il a l'air noble ! Regarde, comme sa chevelure tombe avec grâce ! Heureuses les femmes qui ont place dans son lit ! »

PYRGOPOLINICE

Oui-da ! elles s'exprimaient ainsi ?

ARTOTROGUS

Et elles m'ont supplié toutes les deux de te mener aujourd'hui de ce côté-là, comme la procession des jeux.

PYRGOPOLINICE

Un homme est bien à plaindre d'être si beau.

ARTOTROGUS

Oh! oui. Elles m'assomment ; ce sont toujours des prières, des sollicitations, des instances pour que je leur procure le bonheur de te voir ; ce sont des messages pour me faire venir, au point que je n'ai plus le temps de vaquer à tes affaires.


PYRGOPOLINICE

Il est l'heure, je crois, d'aller à la place, pour payer aux soldats que j'enrôlai hier le prix de leur engagement. Le roi Séleucus m'a prié avec instance de lever et d'enrôler pour lui des mercenaires. Je veux consacrer la journée au service de ce prince.

ARTOTROGUS (d'un air belliqueux)

Eh bien ! marchons.

PYRGOPOLINICE (à sa suite)

Soldats, suivez-moi !

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