[281a] Socrate o sage et excellent Hippias, voilà bien longtemps que tu n’es pas venu à Athènes ! Hippias


Hippias Tu dis vrai, Socrate, et le dieu a très bien parlé. En effet, nous avons chez nous des cavales parfaitement belles.   Socrate



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Hippias

Tu dis vrai, Socrate, et le dieu a très bien parlé. En effet, nous avons chez nous des cavales parfaitement belles.

 

Socrate

« Fort bien, dira-t-il. Mais quoi ! une belle lyre n’est-elle pas quelque chose de beau ? » En conviendrons-nous, Hippias ?

 

Hippias

Oui.


 

Socrate

Cet homme me dira après cela, j’en suis à peu près sûr, je connais son humeur : « Quoi donc, mon cher ami, une belle marmite n’est-elle pas quelque chose de beau ? »

 

Hippias

Quel homme est-ce donc là, Socrate ? Qu’il est malappris d’oser employer des termes si bas dans un sujet si noble ! [d]

 

Socrate

Il est ainsi fait, Hippias. Il ne faut point chercher en lui de politesse ; c’est un homme grossier, qui ne se soucie que de la vérité. Il faut pourtant lui répondre, et je vais dire le premier mon avis. Si une marmite est faite par un habile potier ; si elle est unie, ronde et bien cuite, comme sont quelques-unes de ces belles marmites à deux anses, qui tiennent six mesures, et sont faites au tour ; si c’est d’une pareille marmite qu’il veut parler, il faut avouer qu’elle est belle. Car comment refuser la beauté à ce qui est beau. [e]

 

Hippias

Cela ne se peut, Socrate.

 

Socrate

« Une belle marmite est donc aussi quelque chose de beau ? » dira-t-il. Réponds.

 

Hippias

Mais, oui, Socrate, je le crois. Cet objet, à la vérité, est beau quand il est bien travaillé ; mais tout ce qui est de ce genre ne mérite pas d’être appelé beau, si tu le compares avec une belle cavale, une belle fille, et toutes les autres belles choses. [289a]

 

Socrate

A la bonne heure. Je comprends maintenant comment il nous faut répondre à celui qui nous fait ces questions. « Mon ami, lui dirons-nous, ignores-tu combien est vrai le mot d’Héraclite, que le plus beau des singes est laid si on le compare à l’espèce humaine ? De même la plus belle des marmites, comparée avec l’espèce des jeunes filles, est laide, comme dit le sage Hippias. » N’est-ce pas là ce que nous lui répondrons, Hippias ?

 

Hippias

Oui, Socrate, c’est très bien répondu.

 

Socrate

Un peu de patience, je te prie ; voici à coup sûr ce qu’il ajoutera : « Quoi, Socrate ! n’arrivera-t-il pas aux jeunes filles, si on les compare avec des déesses, la même chose qu’aux marmites si on les compare avec des jeunes [b] filles ? La plus belle jeune fille ne paraîtra-t-elle pas laide en comparaison ? Et n’est-ce pas aussi ce que dit Héraclite, que tu cites : l’homme le plus sage ne paraîtra qu’un singe vis-à-vis de Dieu, pour la sagesse, la beauté et tout le reste ? » Accorderons-nous, Hippias, que la plus belle jeune fille est laide, comparée aux déesses ?

 

Hippias

Qui pourrait aller là contre, Socrate ?

 

Socrate

Si nous lui faisons cet aveu, il se mettra à rire, et me dira : « Socrate, te rappelles-tu la question que je t’ai faite ? » [c] Oui, répondrai-je ; tu m’as demandé ce que c’est que le beau. « Et puis, reprendra-t-il, étant interrogé sur le beau, tu me donnes pour belle une chose qui, de ton propre aveu, n’est pas plus belle que laide ? » Je serai forcé d’en convenir. Ou que me conseilles-tu, mon cher ami, de lui répondre ?

 

Hippias

Réponds comme tu l’as fait. Il a raison de dire que l’espèce humaine n’est pas belle en comparaison des dieux.

 

Socrate

« Mais, poursuivra-t-il, si je t’avais demandé, [d] au commencement, qu’est-ce qui est en même temps beau et laid, la réponse que tu viens de me faire eût été juste. Cependant, te semble-t-il encore que le beau par soi-même, qui orne et rend belles toutes les autres choses du moment qu’il vient s’y ajouter, soit une jeune fille, une cavale ou une lyre ? »

 

Hippias

Si c’est là, Socrate, ce qu’il veut savoir, rien n’est plus aisé que de lui dire ce que c’est que ce beau qui sert d’ornement à tout le reste, et dont la présence embellit toutes choses. Cet homme, à ce que je vois, est un imbécile, qui ne s’y connaît pas du tout en belles choses. [e] Tu n’as qu’à lui répondre : ce beau que tu me demandes n’est autre que l’or ; il sera bien embarrassé, et ne trouvera rien à te répliquer ; car nous savons tous qu’un objet, même laid par nature, auquel l’or vient s’ajouter, en est embelli et paré.

 

Socrate

Tu ne connais pas l’homme, Hippias ; tu ignores jusqu’à quel point il est difficile, et combien il a de peine à se rendre à ce qu’on lui dit.

 

Hippias

Qu’est-ce que cela fait, Socrate ? Il faut, bon gré mal gré, qu’il se rende à une raison quand elle est bonne, ou, sinon, qu’il se couvre de ridicule. [290a]

 

Socrate

Hé bien, mon cher, bien loin de se rendre à cette réponse, il s’en moquera et me dira : « Insensé que tu es, penses-tu que Phidias fût un mauvais artiste ? » Bien au contraire, lui répondrai-je, ce me semble.

 

Hippias

Et tu auras raison.

 

Socrate

Je le crois. Mais, lorsque j’aurai reconnu que Phidias est un habile sculpteur, mon homme répondra : [b] « Quoi donc ! Phidias, à ton avis n’avait nulle idée de ce beau dont tu parles ? » Pourquoi ? lui dirai-je. « C’est, continuera-t-il, parce qu’il n’a point fait d’or les yeux de son Athéna, ni son visage, ni ses pieds, ni ses mains, bien que tout cela en or dut paraître très beau, mais d’ivoire. Il est évident qu’il n’a fait cette faute que par ignorance, ne sachant pas que c’est l’or qui embellit toutes les choses auxquelles on l’ajoute. » Lorsqu’il nous parlera de la sorte, que lui répondrons-nous, Hippias ?

 

Hippias

Cela n’est pas difficile. Nous lui dirons que [c] Phidias a bien fait, car l’ivoire est beau aussi, je pense.

 

Socrate

« Pourquoi donc, répliquera-t-il, Phidias n’a-t-il pas fait de même les pupilles en ivoire, mais dans une pierre précieuse, après avoir cherché celle qui va le mieux avec l’ivoire ? Est-ce qu’un beau marbre est aussi une belle chose ? » Le dirons-nous, Hippias ?

 

Hippias

Oui, lorsqu’il convient.

 

Socrate

Et lorsqu’il ne convient pas, accorderai-je ou non qu’il est laid ?

 

Hippias

Accorde-le, lorsqu’il ne convient pas.

 

Socrate

« Mais quoi ! me dira-t-il, ô habile homme que tu es ! L’ivoire et l’or n’enlaidissent-ils point celles auxquelles ils ne conviennent pas ? » Nierons-nous qu’il ait raison, ou l’avouerons-nous ? [d]

 

Hippias

Nous avouerons que ce qui convient à chaque chose la fait belle.

 

Socrate

« Quand on fait bouillir, dira-t-il, cette belle marmite, dont nous parlions tout à l’heure, pleine d’une belle purée de légumes, quelle cuillère convient à cette marmite ? une d’or, ou de bois de figuier ? »

 

Hippias

Par Héraclès ! quelle espèce d’homme est-ce donc là, Socrate ? Ne veux-tu pas me dire qui c’est ? [e]

 

Socrate

Quand je te dirais son nom, tu ne le connaîtrais pas.

 

Hippias

Je sais du moins dès à présent que c’est un homme sans éducation.

 

Socrate

C’est un questionneur insupportable, Hippias. Que lui répondrons-nous, cependant, et laquelle de ces deux cuillères dirons-nous qui convient mieux à la purée et à la marmite ? N’est-il pas évident que c’est celle de figuier ? Car elle donne une meilleure odeur à la purée ; d’ailleurs, mon cher, il n’est point à craindre qu’elle casse la marmite, que la purée se répande, que le feu s’éteigne, et que les convives soient privés d’un excellent mets : accidents auxquels la cuillère d’or nous exposerait ; en sorte que nous devons dire, selon moi, que la cuillère de figuier convient mieux que celle d’or, à moins que tu ne sois d’un autre avis. [291a]

 

Hippias

Elle convient mieux en effet, Socrate. Je t’avouerai pourtant que je ne daignerais pas répondre à un homme qui me ferait de pareilles questions.

 

Socrate

Tu aurais raison, mon cher ami. Il ne te conviendrait pas d’entendre des termes aussi bas, richement vêtu comme tu es, chaussé élégamment, et renommé chez les Grecs pour ta sagesse ; mais pour moi, je ne risque rien à converser avec ce grossier personnage. Instruis-moi [b] donc auparavant, et réponds, pour l’amour de moi. « Si la cuillère de figuier, dira-t-il, convient mieux que celle d’or, n’est-il pas vrai qu’elle est plus belle, puisque tu es convenu, Socrate, que ce qui convient est plus beau que ce qui ne convient pas ? » Avouerons-nous, Hippias, que la cuillère de figuier est plus belle que celle d’or ?

 

Hippias

Veux-tu, Socrate, que je t’apprenne une définition du beau, avec laquelle tu couperas court à toutes les questions de cet homme ? [c]

 

Socrate

De tout mon cœur ; mais dis-moi auparavant des deux cuillères dont je parlais à l’instant quelle est celle que je lui donnerai pour la plus convenable et la plus belle ?

 

Hippias

Hé bien, réponds-lui, si tu le veux, que c’est celle de figuier.

 

Socrate

Dis maintenant ce que tu voulais dire tout à l’heure. Car pour ta précédente définition, que le beau est la même chose que l’or, il est aisé de la réfuter et de prouver que l’or n’est pas plus beau qu’un morceau de bois de figuier. Voyons donc ta nouvelle définition du beau. [d]

 

Hippias

Tu vas l’entendre. Il me parait que tu cherches une beauté telle que jamais et en aucun lieu elle ne paraisse laide à personne.

 

Socrate

C’est cela même, Hippias : tu conçois fort bien ma pensée.

 

Hippias

Écoute donc ; car si on a un seul mot à répliquer à ceci, dis hardiment que je n’y entends rien.

 

Socrate

Dis au plus vite, au nom des dieux.

 

Hippias

Je dis donc qu’en tout temps, en tous lieux, et pour tout homme, c’est une très belle chose d’avoir des richesses, de la santé, de la considération parmi les Grecs, de parvenir à la vieillesse, et, après avoir rendu honorablement les derniers devoirs aux auteurs de ses jours, d’être conduit au tombeau par ses descendants avec le même appareil et la même magnificence. [e]

 

Socrate

Oh, oh, Hippias ! que cette réponse est admirable ! qu’elle est grande et digne de toi ! Par Héraclès j’admire avec quelle bonté tu fais ce que tu peux pour me secourir. Mais nous ne tenons pas notre homme ; au contraire, je t’assure qu’il rira à nos dépens plus que jamais.

 

Hippias

Oui. d’un rire impertinent, Socrate : car s’il n’a rien à opposer à cela, et qu’il rie, c’est de lui-même qu’il rira, et il se fera moquer de tous les assistants. [292a]

 

Socrate

Peut-être la chose sera-t-elle comme tu dis ; peut-être aussi, autant que je puis conjecturer, ne se bornera-t-il pas sur cette réponse à me rire au nez.

 

Hippias

Que fera-t-il donc ?

 

Socrate

S’il a un bâton à la main, à moins que je ne m’enfuie au plus vite, il le lèvera sur moi pour me rosser d’importance.

 

Hippias

Que dis-tu là ? Cet homme est-il ton maître ? Et s’il te fait un pareil traitement, il ne sera pas traîné devant les juges, et puni comme il le mérite ? Est-ce qu’il n’y a point de justice à Athènes, et y laisse-t-on les citoyens se frapper injustement les uns les autres ? [b]

 

Socrate

Nullement.

 

Hippias

Il sera donc puni s’il te frappe contre toute justice ?

 

Socrate

Il ne me parait pas, Hippias, qu’il eût tort de me frapper, si je lui faisais cette réponse : je pense même le contraire.

 

Hippias

A la bonne heure, Socrate ; puisque c’est ton avis, c’est aussi le mien.

 

Socrate

Me permets-tu de t’expliquer pourquoi je pense que cette réponse mérite vraiment des coups de bâton ? Me battras-tu toi-même sans m’entendre, ou écouteras-tu mes raisons ? [c]

 

Hippias

Ce serait un procédé bien étrange, Socrate, si je refusais de les entendre. Quelles sont-elles ? Parle.

 

Socrate

Je vais te le dire, toujours sous le nom de celui dont je fais ici le personnage, pour ne pas me servir vis-à-vis de toi des expressions dures et choquantes qu’il ne m’épargnera pas ; car voici, je te le garantis, ce qu’il me dira : « Parle, Socrate. Penses-tu que j’aurais si grand tort de te battre, après que tu m’as chanté, avec si peu de sens, un dithyrambe qui n’a aucun rapport à ma question ? » Comment cela ? lui répondrai-je. « Comment, dira-t-il, tu n’as seulement pas l’esprit de te souvenir [d] que je te demande quel est ce beau qui embellit toutes les choses où il se trouve, pierre, bois, homme, dieu, toute espèce d’action et de science ? Car tel est, Socrate, le beau dont je te demande la définition ; et je ne puis pas plus me faire entendre que si j’avais affaire à une pierre, et encore une pierre de meule, et que tu n’eusses ni oreilles ni cervelle. » Ne te fâcherais-tu point, Hippias, si, épouvanté de ce discours, je répondais : « C’est Hippias qui m’a dit que le beau était cela. Je l’interrogeais cependant comme tu m’interroges ici [e] sur ce qui est beau pour tout le monde et toujours. » Qu’en dis-tu ? Ne te fâcheras-tu pas, si je lui parle ainsi ?

 

Hippias

Je suis bien sûr, Socrate, que le beau est et paraîtra à tout le monde tel que je t’ai dit.

 

Socrate

« Le sera-t-il toujours ? » reprendra cet homme. Car le beau, c’est-à-dire le vrai beau, l’est à toutes les époques.

 

Hippias

Sans doute.

 

Socrate

Il l’a donc toujours été ?

 

Hippias

Oui.


 

Socrate

« L’étranger d’Élis, poursuivra-t-il, t’a-t-il dit qu’il fût beau à Achille d’être enseveli après ses ancêtres, comme son aïeul Éaque, aux autres enfants des dieux et aux dieux eux-mêmes ? » [293a]

 

Hippias

Qu’est-ce que cet homme-là ? Envoie-le au gibet. Voilà des questions, Socrate, qui sentent fort l’impiété.

 

Socrate

Mais quoi, lorsqu’on nous fait de pareilles questions, n’est-il pas tout à fait impie d’y répondre affirmativement ?

 

Hippias

Peut-être.

 

Socrate

« Peut-être donc es-tu cet impie, me dira-t-il, toi qui soutiens qu’il est beau en tout temps et pour tout le monde d’être enseveli par ses descendants, et de rendre les mêmes devoirs à ses ancêtres. Héraclès et les autres qu’on vient de nommer ne font-ils peut-être pas partie de tout le monde ? »

 

Hippias

Je n’ai pas prétendu parler ainsi pour les dieux. [b]

 

Socrate

Ni pour les héros apparemment ?

 

Hippias

Non, du moins pour ceux qui sont enfants des dieux.

 

Socrate

Mais pour ceux qui ne le sont pas ?

 

Hippias

Oui, pour ceux-là.

 

Socrate

Ainsi, à ton compte, c’eût été, ce semble, une chose affreuse, impie et laide pour les héros, tels que Tantale, Dardanos et Zéthos ; et pour Pélops et les autres nés de mortels comme lui, ce serait une belle chose ?

 

Hippias

C’est là mon avis.

 

Socrate

« Tu penses donc, répliquera-t-il, ce que tu ne disais pas tout à l’heure, qu’être enseveli par ses descendants, après avoir rendu le même devoir à ses ancêtres, est une chose qui en certaines rencontres et pour quelques-uns n’est pas du tout belle ; [c] et que même il semble impossible qu’elle devienne jamais et soit belle pour tout le monde ; en sorte que ce prétendu beau est sujet aux mêmes inconvénients que les précédents, la jeune fille et la marmite ; et qu’il est même plus ridiculement encore beau pour les uns, et laid pour les autres. Quoi donc Socrate, poursuivra-t-il, ne pourras-tu, ni aujourd’hui ni jamais, satisfaire à ma question, et me dire ce que c’est que le beau ? » Tels sont à peu près les reproches qu’il me fera, et à juste titre, si je lui réponds comme tu veux. Voilà pour l’ordinaire, Hippias, de quelle manière il converse avec moi. Quelquefois cependant, comme s’il avait compassion de mon ignorance et de mon incapacité, [d] il me suggère en quelque sorte ce que je dois dire, et me demande si telle chose ne me parait pas être le beau. Il en use de même par rapport à tout autre sujet sur lequel il m’interroge, et qui fait la matière de l’entretien.

 

Hippias

Que veux-tu dire par là, Socrate ?

 

Socrate

Je vais te l’expliquer. « Mon pauvre Socrate, me dit-il, laisse là toutes ces réponses et autres semblables ; elles sont trop ineptes, et trop aisées à réfuter [e]. Vois plutôt si le beau ne serait point ce que nous avons évoqué précédemment, lorsque nous avons dit que l’or est beau pour les choses auxquelles il convient et laid pour celles auxquelles il ne convient pas ; qu’il en est de même pour tout le reste où cette convenance se trouve. Examine donc le convenable en lui-même, et dans sa nature, pour voir s’il ne serait point le beau que nous cherchons. » Ma coutume est de me rendre à son avis, lorsqu’il me propose de pareilles choses, car je n’ai rien à lui opposer. Mais toi, penses-tu que le convenable est le beau ?

 

Hippias

Tout à fait, Socrate.

 

Socrate

Examinons bien, de peur de nous tromper.

 

Hippias

Il faut examiner, sans doute. [294a]

 

Socrate

Vois donc. Appelons-nous convenable ce qui fait paraître belles les choses où il se trouve, ou bien ce qui les rend effectivement belles ? ou n’est-ce ni l’un ni l’autre ?

 

Hippias

Il me semble que c’est ce qui les fait paraître belles, comme lorsque quelqu’un, ayant pris un habit ou une chaussure qui lui va bien, parait plus beau, fût-il d’ailleurs d’un extérieur ridicule.

 

Socrate

Si le convenable fait paraître les choses plus belles qu’elles ne sont, c’est donc une espèce de tromperie en fait de beauté ; et ce n’est point ce que nous cherchons, Hippias [b] ; car nous cherchons ce par quoi les belles choses sont réellement belles, de même que toutes les choses grandes sont grandes par une certaine supériorité : c’est en effet par là qu’elles sont grandes ; et quand même elles ne le paraîtraient pas, s’il est vrai qu’il s’y trouve de la grandeur, elles sont nécessairement grandes. De même, le beau, disons-nous, est ce qui rend belles toutes les belles choses, qu’elles paraissent telles ou non. Évidemment ce n’est point le convenable, puisque, de ton aveu, il fait paraître les choses plus belles qu’elles ne sont, au lieu de les faire paraître telles qu’elles sont. Il nous faut donc essayer, comme je viens de dire, de découvrir ce qui fait que les belles choses sont belles, qu’elles le paraissent ou non [c] ; car si nous cherchons le beau, c’est là ce que nous cherchons.

 

Hippias

Mais le convenable, Socrate. à la fois rend belles et fait paraître telles toutes les choses où il se rencontre.

 

Socrate

Il est donc impossible que les objets réellement beaux ne paraissent pas tels, du moment qu’ils possèdent ce qui les fait paraître beaux ?

 

Hippias

Cela est impossible.

 

Socrate

Mais dirons-nous, Hippias, que les lois et les institutions réellement belles paraissent telles toujours et aux yeux de tout le monde ? ou, tout au contraire, qu’on n’en connaît pas toujours la beauté, et que c’est un des principaux sujets de dispute et de querelles, tant entre les particuliers qu’entre les États ? [d]

 

Hippias

Il me parait plus vrai de dire, Socrate, qu’on n’en connaît pas toujours la beauté.

 

Socrate

Cela n’arriverait pas, cependant, si elles paraissaient ce qu’elles sont ; et elles le paraîtraient, si le convenable était la même chose que le beau, et que non seulement il rendit les choses belles, mais les fit paraître telles. Par conséquent, si le convenable est ce qui rend une chose réellement belle, il est bien le beau que nous cherchons, et non le beau qui la fait paraître belle. Si, au contraire, le convenable donne seulement aux choses l’apparence de la beauté, ce n’est point le beau que nous cherchons, [e] car le beau dont il est question rend les choses réellement belles, et une même chose ne saurait être à la fois une cause d’illusion et de vérité, soit pour la beauté, soit pour toute autre chose. Choisissons donc quelle propriété nous donnerons au convenable, de faire paraître les choses belles, ou de les rendre telles.

 

Hippias

A mon avis, Socrate, il les fait paraître belles.

 

Socrate

Dieux ! la connaissance que nous croyions avoir de la nature du beau nous échappe donc, Hippias, puisque nous jugeons que le convenable est autre que le beau.

 

Hippias

Vraiment oui, Socrate ; et cela me parait bien étrange. [295a]

 

Socrate

Ne lâchons pourtant pas prise, mon cher ami : j’ai encore quelque espérance que nous découvrirons ce que c’est que le beau.

 

Hippias

Assurément, Socrate ; car ce n’est pas une chose bien difficile à trouver ; et je suis sûr que, si je me retirais un moment à l’écart pour méditer là-dessus, je t’en donnerais une définition si exacte que l’exactitude même n’y saurait trouver à redire.

 

Socrate

Oh ! ne te vante point, Hippias. Tu vois combien d’embarras cette recherche nous a déjà causé ; prends garde que le beau ne se fâche contre nous, et ne s’éloigne encore davantage [b]. J’ai tort cependant de parler ainsi. Tu trouveras aisément la solution, je pense, lorsque tu seras seul ; mais, au nom des dieux, trouve-la en ma présence ; et, si tu le veux bien, continuons à la chercher ensemble. Si nous la découvrons, ce sera le mieux du monde ; sinon, il faudra bien que je prenne mon malheur en patience : pour toi, tu ne m’auras pas plus tôt quitté, que tu la trouveras sans peine. Si nous faisons maintenant cette découverte, ce sera une affaire faite, et je n’aurai pas besoin de t’importuner pour te demander ce que tu as trouvé tout seul. Vois donc si ceci ne serait pas le beau, selon toi. Je dis que c’est... examine bien, et écoute-moi attentivement, de peur que je ne dise une sottise. [c] Le beau donc, par rapport à nous, c’est ce qui nous est utile. Voici sur quoi je fonde cette définition. Nous appelons beaux yeux, non ceux qui ne peuvent rien voir, mais ceux qui le peuvent, et qui sont utiles pour cette fin.

 


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